Loving de Jeff Nichols
Avec Joel Edgerton, Ruth Negga, Marton Csokas
États-Unis, Sortie 2017
Nous sommes dans l'Amérique ségrégationniste de 1958. Loving est le nom d'un couple, Mildred et Richard, qui se connaissent depuis leur plus tendre enfance et qui s'aiment. Lorsque Mildred apprend à Richard qu'elle est enceinte, ils décident de se marier. Oui mais... Mildred est noire, Richard est blanc et ils vivent dans l'État de Virginie, qui interdit les mariages mixtes. Ils pensent pouvoir échapper à cette interdiction en allant se marier à Washington, mais quelqu'un les dénonce rapidement peu après leur retour : le couple sera condamné à une peine de prison, avec suspension de la sentence à condition qu'ils quittent l'État de Virginie. Plusieurs enfants et quelques années plus tard, Richard et Mildred veulent revenir vivre près des leurs et décident de faire valoir leurs droits civiques en plaidant leur cas
jusqu'à la Cour Suprême.
Le réalisateur Jeff Nichols, né dans un État du Sud, ne pouvait que se sentir concerné par le vécu de cette famille victime de ségrégation. En abordant essentiellement cette histoire sous l'angle personnel et familial, même s'il évoque assez brièvement tout ce qui se rattache au judiciaire, on sent à quel point le réalisateur, très respectueux et très soucieux de rester au plus près de ce couple, s'est senti investi d'une certaine mission. Une famille simple peu préoccupée jusque là par les revendications politiques mais bien obligée de s'y confronter pour réclamer le droit de s'aimer et de vivre près de leur famille respective. Une histoire vraie d'une importance historique puisqu'elle aura des conséquences sur les lois raciales américaines.
Un film juste, humble et d'une grande douceur - à l'image du couple - et ce malgré la violence du racisme institutionnalisé. Ceci dit, je n'ai pas pu m'empêcher de trouver parfois le temps long dans la mesure où le réalisateur, dans sa volonté de rester au plus près de l'authenticité de ce couple, prend le parti de ne pas utiliser les ficelles narratives et autres conventions cinématographiques habituelles (nous n'aurons pas droit à ces fameuses grandes scènes de plaidoirie par exemple, ce qui n'est pas pour me déplaire par ailleurs tant j'affectionne peu le genre au cinéma). Si je parviens sans peine à comprendre les intentions plus que louables du réalisateur en terme de réalisation, j'ai eu plus de mal à m'y retrouver en tant que spectatrice, tant mon attention est devenue de plus en plus flottante en cours de vision. Je n'ai pas trouvé ce film raté pour autant, mais le réalisateur signe ici son film le moins convaincant de toute sa filmographie, du moins en ce qui me concerne. Il faudra d'ailleurs attendre la toute dernière scène pour que l'émotion surgisse enfin, mais là encore, elle viendra du couple réel et non des acteurs (qui sont pourtant bons). C'est donc une relative déception tant j'avais apprécié les films de Jeff Nichols jusqu'à présent.
Je vous convie à lire le billet de princécranoir, qui a beaucoup aimé ce film. Je cite un extrait : " Dans cette Amérique repeinte aux couleurs ambrées, Nichols et son indissociable opérateur Adam Stone retrouvent leur œil naturaliste et cet amour pour les gestes de la vie ordinaire, où une femme accomplissant des tâches ménagères, un homme bricolant dans sa grange, ou bien encore un rayon de soleil sur une peau brune sont capables de nous dire beaucoup."
Ah j'aurais aimé aimer ce film autant que princécranoir, mais bon, cela ne se commande pas...
Les avis divergent ....
RépondreSupprimerJe me range sous la bannière du Prince & je m'en vais bricoler moi aussi dans ma grange, 9h 20 & le baromètre affiche 17° .... La vie ordinaire quoi :-)
Grrrr et tu me dis ça alors que je suis réveillée depuis 3h00 du mat à cause de ce fichu vent, ahhhhh j'en ai vraiment marre !!!
SupprimerAh tiens, j'ai vu hier soir le film The man who knew infinity et c'était bien :)
Je suis de la team du prince sur ce coup là.
RépondreSupprimerPas desbrouffre et tout en douceur comme tu le soulignes très justement... ce film s'imprime et devient inoubliable, plus les jours passent.
Ben c'est juste l'inverse en ce qui me concerne : plus le temps passe, plus je me dis que le réalisateur, dans son obsession de vouloir rester au plus près de la réalité de ce couple, n'est pas arrivé à déployer son histoire. C'est du coup long, assez ennuyeux, plat... et euh bon, je ne ferai décidément pas partie de la team du prince cette fois-ci.
SupprimerPar contre, Moonlight bonifie avec le temps :)
Ah quel dommage ! Plus le temps passe, et il continue de passer... plus j'aime ce film.
SupprimerAlors que le même temps passe et plus il ne me reste de Moonlight que la prestation exceptionnelle de Mashershala revu tout récemment et toujours aussi bon dans Les figures de l'ombre.
J'ai même trouvé Mashershala meilleur dans Les figures de l'ombre !
SupprimerPour en revenir au film, je le trouve limite étouffant dans sa manière de nous présenter ce couple. On dirait qu'ils sont sortis tout droit de l'évangile, pour peu, on les bénirait à la fin du film. Il y a quelque chose qui m'agace dans cette image qu'il nous donne de ce couple, quelque chose qui les fige en quelque sorte.
Je loue les mots que tu emploies pour défendre ce film, malgré cette petite dépressurisation en fin de parcours. Convaincu, personnellement je le fus et le suis encore (et grand merci pour la citation !) par le talent de ce cinéaste qui a le sens de la famille, qui sait la remettre au centre des préoccupations même dans la tourmente des grands sujets. Et si en plus l'émotion surgit au bout de route, alors je veux bien reprendre la route de Lynchburg (en passant, un nom de ville qui en dit tant sur le passé ignoble de cet Etat).
RépondreSupprimerJe respecterai toujours ce réalisateur, même quand la spectatrice que je suis ne s'y retrouve pas vraiment, comme ce fut le cas ici. Mais ses thématiques me touchent beaucoup, comme ses intentions. Bon, je vais encore revenir sur l'importance du regard mais il se trouve que j'aime beaucoup le regard de Jeff Nichols. J'ai donc aussi apprécié ce regard pudique, respectueux et aimant qu'il pose sur ce couple, même si j'ai eu la sensation que cela l'a un peu brimé par rapport à sa créativité mais c'était aussi une de ses volontés, rester au plus près leur authenticité, ce que je respecte une fois de plus, sans être pour autant convaincue de la démarche à titre personnel (beaucoup d'autres spectateurs, toi y compris, s'y sont retrouvés sans peine).
SupprimerComme toi Sentinelle, je n'ai pu m'empêcher de ressentir une légère déception devant le film. La deuxième partie, autour de la procédure judiciaire m'a paru moins réussie (à la fois du point de vue de la mise en scène et du point de vue de la narration) et surtout moins prenante que la première partie (toutes les scènes avec le sherif raciste sont excellentes par exemple).
RépondreSupprimerStrum
Je ne m'en étais pas rendue compte mais oui, je pense avoir plus volontiers décroché dans la seconde partie. Peut-être parce que le réalisateur essaye de rester au plus près du couple sans les sacrifier "aux jeux" des avocats, mais non seulement tout ce qui tourne autour de la procédure judiciaire est survolée mais on ne reste pas pour autant aussi proche que cela du couple. C'est comme s'il y avait là deux conceptions inconciliables, du moins dans sa façon de vouloir les aborder. D'où mon attention flottante.
SupprimerC'est exactement cela et j'en parle dans ma critique : il y a deux mondes irréconciliables (et par extension deux cinémas qui le sont aussi) : le mondes des Loving à la campagne et le mondes des avocats et de la Cour Suprême à la ville. On voit par exemple que Richard Loving est réticent dans cette procédure. Ce qui lui importe c'est Mildred, pas les grands principes énoncés par la Cour Suprême.
SupprimerStrum
Ma réflexion plus haut faisait déjà référence à ta critique Strum ;-) Je n'y avais pas vraiment pensé en ces termes auparavant mais en lisant ton billet, j'ai mieux compris pourquoi mon attention n'avait fait que décroître à partir de la deuxième partie. Le réalisateur s'est effectivement mis dans une sorte d'impasse, et j'imagine sans peine à quel point il a dû se prendre la tête pour s'en sortir quand même, en restant au plus près du couple alors que les enjeux allaient bien au-delà.
SupprimerAh, et moi qui me disais déjà "les grands esprits..." :D
SupprimerStrum
Ta réflexion sur le film a nourri la mienne, ce qui n'est pas rien déjà ;-)
SupprimerSalut Sentinelle,
RépondreSupprimerJ'ai beaucoup aimé "Loving" et les flottements que tu évoques ne m'ont pas dérangé durablement. J'ai aimé le fait que le film reste ainsi dans la contemplation de ces personnages - tout en ayant particulièrement apprécié les ellipses.
Je comprends cependant tes arguments et les accepte d'autant plus volontiers qu'ils sont posés avec beaucoup de pondération dans le propos. C'est encore une belle chronique de ta part, Sentinelle, et je ne peux rien y enlever, même si je n'en partage pas exactement la teneur.
À bientôt, mon amie cinéphile !
C'est très étrange car je comprends totalement la proposition du réalisateur, ses choix en terme de narration et de mise en scène, je les trouve honorables et très respectueuses, je comprends très bien aussi ce que toi, prince et les autres ont beaucoup aimé mais pourquoi n'ai-je pas été autant touché que vous ? Il m'a manqué quelque chose...
SupprimerBonne journée cher Martin, et à bientôt !
Bonsoir Sentinelle, j'ai trouvé ce film assez ennuyeux, il ne se passe rien ou presque. Seule Ruth Negga donne un peu de vie. Joel Edgerton est inexpressif au possible. Il a l'air de se demander ce qu'il fait là. Bonne soirée.
RépondreSupprimerBonjour Dasola. Je me suis également assez ennuyée et j'ai trouvé qu'il manquait de rythme, il y a aussi comme quelque chose de figé dans ce film, limite un peu étouffant maintenant que j'y pense. Par contre, j'ai vu dernièrement le tout premier film du réalisateur, Shotgun Stories, et je l'ai vraiment beaucoup aimé. Idem concernant Take Shelter et Mud. Déjà moins enthousiaste pour Midnight Special. Et Loving enfin, relativement déçue également. Qu'en sera-t-il de son prochain film ? Le mystère reste entier ;)
SupprimerJ'ai presque hésité à l'aimer à cause de la presque redondance de la métaphore maçonne... Mais il est des films où la réflexion aide à l'amour. Et cette fois ça tombe sur Loving. C'est sobre, pas complètement, et ça s'y prête totalement. L'histoire s'y suffit.
RépondreSupprimerLa métaphore maçonne... et bien voilà quelque chose qui me parle ! Richard me faisait penser à Joseph le charpentier, sans trop savoir pourquoi. Et bien maintenant je sais :) Il y a plein de bonnes choses et de bonnes intentions dans ce film, mais je trouve que le réalisateur a enfermé ce couple dans une image figée très iconique. On aurait presque envie de les bénir à la fin du film.
Supprimer