mercredi 20 décembre 2017

Le rêve du Celte de Mario Vargas Llosa

« Chacun de nous est, successivement, non pas un, mais plusieurs. Et ces personnalités successives, qui émergent les unes des autres, présentent le plus souvent entre elles les contrastes les plus étranges et les plus saisissants. » 
José Enrique Rodó 

Mario Vargas Llosa explore une des figures de l’histoire au destin mouvementé et tragique qui a pour nom Roger Casement (1864-1916). Diplomate britannique, aventurier et grand dénonciateur de l’exploitation de l’homme par l’homme dans les forêts du Congo et de l’Amazonie péruvienne. 

 « Il fermait les yeux et, en un tourbillon vertigineux, apparaissaient et réapparaissaient des corps d’ébène zébrés de cicatrices rougeâtres comme des vipères sur le dos, les fesses et les jambes, ces moignons d’enfants et de vieillards au bout de leurs bras raccourcis, ces visages émaciés, cadavériques, dont semblaient avoir été extraits la vie, la graisse, les muscles, pour n’y laisser que la peau, le crâne et ce masque figé qui exprimait, plus que la douleur, une stupéfaction infinie devant ce qu’on leur infligeait. » 

Mais Roger Casement sera avant tout un révolutionnaire irlandais, cause pour laquelle il connaîtra la disgrâce et l’oubli. Car personne ne lui pardonnera son association avec l’Allemagne afin d’accélérer l’émancipation de l’Eire, en faisant coïncider le mouvement nationaliste avec l’action offensive de l’armée et de la marine du Kaiser contre l’Angleterre. 

Son homosexualité et les extraits crus (véridiques ou fantasmés) retrouvés dans ses carnets apporteront du grain à moudre à ses détracteurs qui n’hésiteront pas à utiliser ces fragments pour le discréditer via une campagne calomnieuse portant sur sa « perversité sexuelle ». 

Mario Vargas Llosa replace cet homme dans son époque en le faisant côtoyer des personnages illustres de son temps (Stanley, Conrad, Pearse), détaille les enjeux politiques, économiques, judiciaires et humanitaires de la colonisation, revient sur le rêve de l’irlandais de se réapproprier son histoire, sa culture et ses traditions sans oublier ses préoccupations religieuses qui l’accompagneront toute sa vie. 

Une lecture instructive, au rythme enlevé, qui se lit d’une traite. Une personnalité riche et contrastée d’un homme qui passera de l’anoblissement par le roi Georges V pour sa défense des droits de l’homme au Congo et en Amazonie à la condamnation par le gouvernement britannique pour haute trahison. L’Irlande aura été en définitive sa plus grande passion, celle qui le consumera définitivement. Nul doute que Roger Casement méritait de sortir de l’ombre dans laquelle son opprobre l’avait plongé pendant des années.


6 commentaires:

  1. Bonjour Sentinelle, décidément ces biographies romancées sont à la mode. De Vargas Llosa je n'ai lu que Tante Julia et le scribouillard que j'avais plutôt bien aimé et son essai sur Les Misérables qui m'avait déçu (trop de lieux communs). Je ne suis pas sûr que ce soit un grand écrivain. En revanche, je vois que tu lis Splendeurs et Misères des courtisanes, un de mes Balzac préférés, quoique je préfère le premier volume des aventures de Lucien de Rubempré, Illusions Perdues. As-tu lu ce dernier ?

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    1. Bonjour Strum,

      Les biographies romancées sont en effet à la mode mais ce roman-ci n'est pas récent. Je connais très mal cet auteur, et si j'ai bien aimé Le rêve du Celte, La fête au bouc m'était tombé des mains. Si je devais en lire un autre, mon choix se porterait sur Le Paradis, un peu plus loin.

      Oui, j'ai lu Illusions perdues, et à la fin de cette lecture, je m'étais procurée rapidement la suite. Mais comme souvent avec moi, l'intervalle entre l'acquisition d'un roman et sa lecture peut être longue et prendre plusieurs années. Cette lecture est très plaisante en tout cas, et j'aurais bien du mal à les départager si je devais choisir l'un ou l'autre :)

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  2. Bonjour Sentinelle,

    De Vargas Llosa, j'ai lu cet été La Guerre de la fin du monde, qui est souvent présenté comme son meilleur roman avec Conversation à la Catedral. C'est effectivement un très grand roman (à mon avis) sur la guerre des Canudos au Brésil à la fin du XIXe siècle. Je n'ai pas pu lire d'autres Vargas Llosa malheureusement car je l'avais emprunté à la bibliothèque en édition Pléiade où les traductions ont toutes été révisées en 2016, ce qui n'est pas le cas pour ses romans publiés en Folio.

    De lui, j'ai également lu ses essais regroupés sous le titre "La vérité par le mensonge" qui en plus de contenir un superbe essai sur "l'utilité" de la littérature à la fin de l'ouvrage, comporte aussi de belles critiques de Vargas Llosa exclusivement sur des romans du 20e siècle que j'ai beaucoup aimées, bien que ne les ayant pas toutes lues.

    Je te souhaite une bonne fin de lecture du Balzac, je suis moi aussi partagé entre celui-ci et Illusions perdues, je les départagerai en disant que mon Balzac préféré à ce jour est Le Lys dans la vallée !

    Bonnes fêtes à venir :)

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    1. Bonsoir K.,

      "La Guerre de la fin du monde" avait totalement échappé à mon radar, et il a tout pour me plaire en plus. Bref, je le note avec enthousiasme :)

      Je note également "La vérité par le mensonge", qui pourrait m'intéresser tout autant.

      Par manque de temps, me voilà un peu "forcée" de prendre tout mon temps à la lecture du Balzac, mais cela m'enchante finalement plus qu'autre chose. Il me reste à lire un peu moins de cent pages mais je vais continuer sur le même rythme, qui me convient très bien. Ah, je dois encore lire "Le Lys dans la vallée", il est dans ma très longue liste de romans à lire, et tu m'encourages à ne pas attendre des années avant de m'y plonger. Les Chouans et La Cousine Bette me tentent également.

      Je te remercie pour tes bons vœux, et je te souhaite de même d'excellentes fêtes de fin d'année :)

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  3. Bonjour Sentinelle, cette lecture m'a fait connaître un homme dont j'ignorais l'existence. Un lecture édifiante. http://dasola.canalblog.com/archives/2012/06/22/24522847.html Bonne après-midi et très belles fêtes de fin d'année.

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    1. Bonsoir Dasola,

      Merci pour le lien. Après lecture, ton enthousiasme fait plaisir à lire :)
      Je ne connaissais pas non plus cet homme avant ce roman, mais depuis cette lecture, je le croise de temps à autre, au détours d'un roman et d'une BD, et je suis tellement contente de le croiser en me disant : "ah, celui-là, je le connais bien maintenant, quel homme et quel destin". J'ai toujours une grande admiration pour ces hommes qui ont lutté contre l'exploitation de l'homme par l'homme, allant à contre courant de l'époque colonialiste et esclavagiste. Ils méritent de sortir de l'oubli. J'admire leur courage, leur dévouement et leur humanité. Sur ce, je te souhaite également de très belles fêtes de fin d'année :)

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