mardi 27 février 2018

La Dame n°13 de José Carlos Somoza

Extrait 

Les dames sont treize :

La n°1 Invite,

La n°2 Surveille,

La n°3 Punit,

La n°4 Rend fou,

La n°5 Passionne,

La n°6 Maudit…

- La n°7 Empoisonne, récitait le vieux, tandis que l’enfant lisait, sans un seul murmure, sans une seule erreur. La n°8 Conjure… La n°9 Invoque… La n°10 Exécute… La n°11 Devine… La n°12 Connaît. – Il s’arrêta et sourit. Ce sont les dames. Elles sont treize, elles sont toujours treize, mais on n’en cite que douze, tu vois… ? Tu ne dois en mentionner que douze… Ne te risque jamais, même en rêve, à parler à la dernière… Pauvre de toi, si tu mentionnais la n°13… ! Tu crois que je mens ?

Mon avis

Quel est le point commun entre un poète malheureux et une jeune prostituée hongroise ? Un même cauchemar. Lorsque les médias s’emparent du meurtre d’une riche propriétaire, que Salomon Rulfo et Raquel reconnaissent comme celle qui habite leurs nuits, leurs pas les mèneront chacun de leur côté à l’entrée d’un solennel portail métallique d’une vaste propriété. Sur un rectangle en pierre situé à côté du portail figurent ces quelques mots : « Lasciate Ogni Speranza ». Il s’agit de l’un des vers que Dante plaça aux portes de l’enfer : « Laissez toute espérance vous qui entrez ». Curieux message de bienvenue qui n’empêchera pas nos visiteurs de pénétrer clandestinement dans l’étrange demeure de la victime Lidia Garetti entrevue dans les médias.

Ainsi débute ce roman qui mélange les genres : thriller, roman noir, fantastique et même parfois un peu gore. Sans trop dévoiler la suite, nos protagonistes seront lancés sur la piste de 13 Dames qui inspirent depuis des siècles les plus grands poètes, certaines d’entre elles étant même passées à la postérité : Laure, qui inspira Pétrarque ; la dame brune de Shakespeare ; Béatrice, celle de Dante. Mais qui sont-elles vraiment ? Des muses, des membres d’une secte, des sorcières, des gorgones ? Quels que soient leurs noms, elles sont avant tout des figures féminines puissantes et perverses qui utilisent la puissance des vers comme des armes destructrices et mortelles.

Le pouvoir des mots ! José Carlos Somoza, écrivain mais aussi psychiatre, est bien placé pour saisir l’impact des traces que peuvent laisser les mots entendus dans l’enfance ou sortis de la bouche d’un parent, ami ou connaissance. Sous le couvert de la sorcellerie, La dame n°13 nous livre une plaisante illustration de l’utilisation du langage comme outil de pouvoir et de domination… et ce ne sont pas les politiciens, les religieux, les psychologues ou les philosophes qui le contrediront. Ni Aristote, qui considérait la puissance des mots comme « la forme la plus subtile de la violence ».


De José Carlos Somoza, à lire également (cliquez sur la couverture pour accéder au billet correspondant) :



http://livresque-sentinelle.blogspot.be/2009/05/la-theorie-des-cordes-de-jose-carlos.html
http://livresque-sentinelle.blogspot.be/2011/11/lappat-de-jose-carlos-somoza.html
http://livresque-sentinelle.blogspot.be/2009/02/daphne-disparue-de-jose-carlos-somoza.html


Mon roman préféré à ce jour reste L'appât, un régal.

2 commentaires:

  1. J'ai préféré Clara et la pénombre, plus complexe et tortueux, mais j'avais aimé tout de même ce titre, notamment pour ce mélange des genres que tu évoques.

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    1. Ah oui, Clara et la pénombre, je me souviens de l'avoir bien aimé également. José Carlos Somoza a quelque chose de particulier en ce qui me concerne, à savoir que je ne sais jamais, avant ma lecture, si je vais aimer ou pas son roman. En tout cas, ce n'est jamais gagné d'avance.

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