Jens Christian Grondahl (né en 1959) considère les danois comme préservés et à l’écart du destin de l’Europe et de son lot de souffrances, passés ou actuels. Citant une réplique d’une des plus célèbres pièces de William Shakespeare (« Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark »), il se questionne sur ce qui reste à faire quand on a déjà tout ce qu’il faut (la sécurité, les soins médicaux, l’argent, le confort de l’existence). Il considère les danois comme hors du temps et de l’histoire, chaque famille, calfeutrée dans la tranquillité de sa maison et de son quartier, n’étant plus connectée au monde qu’à travers les actualités du petit écran. Quand on n’est plus acteur de l’histoire mais spectateur, quand l’histoire ne définit plus notre vie, quand le monde ne pénètre plus notre existence. Il accuse non seulement les danois de leur manque d’ouverture au monde mais aussi de leur manque de curiosité. Ainsi en est-il à l’égard des groenlandais, un peuple qui fut pourtant colonisé mais dont la culture occupe toujours une place très marginale dans la culture danoise. Il revient également sur les fissures du modèle danois se manifestant par une mélancolie tenace, un sentiment de solitude et une sensation de vide ou de perte de sens.
Jørn Riel (né en 1931) a rapidement fuit son pays, sans doute trop petit pour lui, pour vivre une vingtaine d’années au Groenland. Les lecteurs de cet auteur connaissant bien ses savoureux racontars arctiques (dont La vierge froide et autres racontars). Jørn Riel apprécie ces anarchistes, qui épris de liberté, sont venus s’installer au Groenland et n’auraient probablement jamais trouvé leur place au Danemark. Depuis cet épisode au Groenland, il a passé encore une vingtaine d’années dans le reste du monde et vit maintenant en Malaisie. Sans aucune nostalgie ni regret de son pays d’origine, il témoigne de la tradition des écrivains-voyageurs.
Josefine Klougart (née en 1985), que je ne connaissais absolument pas avant ce reportage, accorde quant à elle une grande place à la nature et au paysage du Jutland, façonné à l'ère glaciaire.
Mais c’est sans doute Jonas T. Bengtsson (né en 1976) qui semble le plus concerné par l’envers du décor du modèle danois. Il revient sur l’importance du religieux et de l’Église qui fait encore aujourd’hui partie de l’État social-démocrate, tout en demeurant indissociable de la vie et de la culture danoise, y compris dans le partage des valeurs tels que la solidarité et l’entraide. Pour lui, le Danemark est avant tout un état conformiste dans lequel règne l’uniformité, qui accepte l’individu pour autant qu’il reste dans le moule et qu’il suit toutes les règles. Quel espace de liberté dispose celui qui ne veut pas participer à cette société et cette communauté ? Il souligne le peu de place pour la culture alternative ou les individus en marge. Il pose aussi une question, qui finalement nous concerne tous : la société doit-elle laisser une place en incluant d’une manière ou d’une autre des individus qui ne veulent pas d’elle ?
Ce reportage mentionne également les réalisateurs Lars von Trier (et son film Melancholia) et Thomas Vinterberg, réalisateur du film culte Festen et dernièrement de La chasse, tous deux excellents.
Et pour terminer ce compte-rendu, quelques toiles de peintre danois Vilhelm Hammershoi (Copenhague 1864 - 1916), cité dans le reportage :
En conclusion, un très bon reportage sur un pays où il fait tout de
même bon vivre et qui ne demande qu’à être complété par d’autres films,
documentaires et lectures danoise, cela va sans dire !
Le Danemark de Jörn Riel, Jens Christian Gröndahl, Josefine Klougart et Jonas T. Bengtsson - Collection Europe des écrivains
Réalisation : Ivan Butel
Documentaire - 52 minutes
Coproducteur : Arte France
Ce programme est toujours disponible en vidéo à la demande ou DVD.
Pour un compte-rendu des autres émissions, voir le label L'Europe des écrivains.
Réalisation : Ivan Butel
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