Nous sommes en banlieue parisienne, à Villejuif plus exactement, dans les années 30. Le cadavre d’une prostituée, tellement mutilé qu’on n’a bien eu du mal à l’identifier, a été découvert dans un terrain vague, à deux cents mètres du domicile de Mr Hire. Cet homme solitaire et timide, d’origine juive au physique assez déplaisant, a une vie recluse fortement ritualisée : personnage médiocre (il vit d’une petite affaire d’escroquerie), au passé trouble (il a été condamné à six mois de prison pour vente d’ouvrages pornographiques), il se rend régulièrement dans une maison close et observe tous les soirs, par sa fenêtre et caché dans le noir, une voisine peu farouche liée à un mauvais garçon.
Mr. Hire est un homme pathétique qui porte malheureusement en lui tous les stigmates du paria et du suspect idéal. Et c’est donc très naturellement que sa concierge le soupçonne rapidement d’être l’auteur du crime, et le dénonce à la police. Une filature commence…
Le thème du bouc émissaire d’un personnage antipathique et condamné d’avance fait évidemment penser à L’Etranger d'Albert Camus, mais nous sommes ici dans une atmosphère beaucoup plus poisseuse, alternant certains scènes sensuelles à d’autres plus perverses, conférant à l’ensemble une tonalité pesante conduisant à un sentiment de malaise. Car si on ne peut pas s’empêcher de ressentir une certaine indifférence, voire de l'antipathie envers Mr. Hire, nous éprouvons en même temps de la pitié à son égard, et même une certaine compassion lorsqu’il est pris dans un terrible engrenage auquel il ne pourra pas échapper. Ce sentiment ambigu, tant nous sommes partagés entre mépris et compassion, met véritablement le lecteur dans une position inconfortable et malaisée. Une lecture qui fut un peu pénible pour moi, tant j’avais envie de terminer au plus vite ce roman pour échapper à cette ambiance délétère faite de petites perversités, de manipulations, de mesquineries et de persécutions en demi-teinte.
Extrait :
Mr. Hire était assis à la place qu’il occupait tous les jours, celle du fond de la voiture et sa serviette à plat sur les genoux, il lisait le journal. Comme tous les jours aussi, il avait préparé son billet qu’il tenait à la main et qu’il tendit au receveur sans même lever les yeux.Il n’était pas gros. Il était gras. Son volume ne dépassait pas celui d’un homme ordinaire, mais on ne sentait ni os, ni chair, rien qu’une matière douce et molle, si douce et si molle que ses mouvements en étaient équivoques.
Les Fiançailles de M. Hire de Georges Simenon, Le Livre de Poche, 190 pages, 2 janvier 2003
1943 pour l'édition originale.
Connaissez-vous cette adaptation magistrale par Julien Duvivier ?
RépondreSupprimerhttp://unpontsurlocean.blogspot.fr/2014/11/monstres-et-fiancees.html
http://lemiroirdesfantomes.blogspot.fr/2014/07/entre-ciel-et-terre-le-cinema-de-julien.html?view=magazine
Bonne lecture et à bientôt !
Je n'ai vu aucune adaptation à ce jour de ce roman de Simenon, même pas le plus récent de Patrice Leconte. Et je connais très mal Julien Duvivier mais ma lecture de vos chroniques me donnent bien envie d'y remédier rapidement. Merci de votre passage et à bientôt !
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