Dépeint par Carl Dreyer comme « un nouveau génie poétique », le réalisateur danois Benjamin Christensen (Viborg , 1879 - Copenhague , 1959) est considéré comme l’un des maîtres du cinéma fantastique. Tourné la même année que Nosferatu de Murnau (1921), son œuvre phare « Häxan ou La Sorcellerie à travers les âges » est un film documentaire-fiction sur la démonomanie ou la croyance en la possession par le démon. Il n’apportera sans doute plus beaucoup d’informations pertinentes sur le sujet au public d’aujourd’hui, mais ce film mérite toujours toute notre attention pour ses scènes de fantasmagories et de sabbats pittoresques, qui sont autant de référence aux peintures de Bosch, Goya, Brueghel qu’aux dessins de Jacques Callot.
Le réalisateur dénonce également avec virulence l’inquisition catholique, les procès factices et les tortures mises en place pour pousser à la confession, à la dénonciation et à la condamnation de pauvres vieilles femmes laides un peu séniles ou de jolies jeunes femmes vilement tentatrices aux yeux des moines. C’est d’ailleurs en découvrant une copie d’un manuel d’un inquisiteur du 15e siècle que le réalisateur eut l’idée de dénoncer ces superstitions, qui pourraient prêter à rire si elles n'étaient pas responsables du massacre de milliers de femmes accusées à tort de sorcellerie au cours des siècles.
Ce film, visé par les censeurs qui l’accuseront de propagandisme antireligieux, abordera également la psychologie de ces femmes, qui au fil de temps ne seront plus considérées comme des sorcières soumises ou traitant avec les démons, mais comme de « simples » malades mentales enfermées dans des asiles comme aliénées ou hystériques. Il terminera également sur une note d'humour en montrant à quel point la croyance à l'existence de forces occultes et surnaturelles est toujours d'actualité au début du 20e siècle, comme le prouve le succès toujours constant des voyantes et autres tarologues.
Ce film ressortira au Danemark en 1941, avec de nouveaux intertitres et une introduction de l’auteur. Il fera également l’objet d’une adaptation plus courte en 1967, dans laquelle l’écrivain William S. Burroughs assurera la narration, devenant par ce fait une œuvre de référence de la contre-culture.
L'avis de Benjamin Fauré.
L'avis de Benjamin Fauré.
Réalisateur : Benjamin Christensen
Acteurs : Maren Pedersen, Clara Pontopiddon, Benjamin Christensen
Origine : Suède
Année de production : 1922
Durée : 1h51
Fascination démonologique mise en lien de façon étonnante avec des évocations psychiatriques. Tout ceci est très daté mais l'imagerie déployée reste envoûtante, comme d'ailleurs en atteste les photos que tu as sélectionné !
RépondreSupprimerIl nous semble aussi approcher avec ce film tout l'intérêt dix-neuviémiste pour l'ésotérisme et les temps obscurs du Moyen-Âge !
Surtout les temps obscurs de la renaissance, époque où eurent lieu tant de procès en sorcellerie ;-)
SupprimerUn film étonnant et une imagerie qui imprime la rétine, encore de nos jours !