mardi 14 octobre 2014

Nos disparus de Tim Gautreaux

Sam Simoneaux, issu du pays Cajun, a de la chance : il débarque en France le jour de l’Armistice. Si une vision d’horreur l’attend, il ne connaîtra de la première guerre mondiale que le déminage des champs de bataille de l’Argonne. De retour au pays, il s’engage comme responsable d’étages aux grands magasins Krine, dans lesquels disparaitra la toute jeune enfant Lily Weller. Ne pouvant empêcher l’enlèvement de la petite, il sera congédié de son poste. Sommé de retrouver l’enfant par les parents Weller, Sam s’embarque en leur compagnie comme troisième lieutenant au bord de l’Ambassador, un bateau à aubes de croisières dansantes  qui sillonne le Mississippi. C’est en partant sur les traces des kidnappeurs de la petite Weller que Sam Simoneaux se remémore le massacre de sa propre famille, dont il sera le seul survivant alors qu’il n’avait que six mois à peine.


C’est donc sur un bateau à vapeur que commence le voyage, en remontant le fleuve Mississipi vers le Nord, traversant des terres quasi désertes aux rivages souvent inhospitaliers. S’il n’y a plus de frontière à l’ouest en 1920, les quelques territoires le long du fleuve Mississipi restent un monde à part et dangereux : la nature est sauvage et marécageuse, les habitants frustes et violents. Ces régions, éloignées de toute civilisation, sont de véritables zones de non-droit, dans lesquelles se réfugient des trafiquants de toutes sortes mais aussi des assassins de la pire espère, pour lesquels n’existe que la loi du plus fort. Mais l’Ambassador traverse également des régions plus peuplées où les habitants des bourgades, qui bordent le fleuve, étaient impatients de découvrir la nouvelle musique promise par les réclames accrochées au tronc de chaque peuplier de Virginie : le jazz, joué par des orchestres noirs en provenance de la Nouvelle-Orléans.

L’auteur Tim Gautreaux nous convie à un univers très romanesque, avec des personnages hauts en couleur, dans lequel coexistent la précarité de l’existence, la pauvreté, la maladie, la violence, la corruption mais aussi l’entraide, l’amitié, l’amour et les liens de sang. Son personnage principal, Sam Simoneaux, est un être meurtri par la vie, tout en demeurant généreux et désireux de réparer ce qui a été pour avancer et évoluer. « Nos disparus » revient aussi sur son combat contre lui-même, lorsque l’appel à la vengeance, souvent vaine et inutile, résonnera au plus fort en lui.

Une simplicité d’écriture pour une évocation du Sud remarquable et des thèmes aussi variés que nos responsabilités, la perte et l’absence, la réflexion sur la violence, la culpabilité,  l’inanité de la vengeance, sans omettre la figure paternelle qui hante en creux les pages de ce beau roman. Et -- attention spoiler -- un final enchanteur entre une petite fille devenue orpheline qui se découvre un père lorsque ce dernier l’emmènera sur les lieux de sa propre histoire, dans le partage et la communion.


Quelques mots sur l'auteur :

Tim Gautreaux, fils d'un capitaine de remorqueur, est né en 1947 à Morgan City, en Louisiane où il vit toujours. Professeur émérite d'anglais à la Southeastern Louisiana University, il est l'auteur de deux romans : Le Dernier Arbre (Seuil, 2013) et Nos disparus (Seuil, 2014).


Nos disparus de Tim Gautreaux, Roman Seuil, août 2014, 544 pages



2 commentaires:

  1. Une raison de plus pour se laisser tenter encore plus facilement

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    1. Oh oui, c'est vraiment l'adjectif qui m'est venu en fermant les pages de ce gros roman : cet auteur est un homme généreux. Et cela fait du bien. Je vais très certainement lire son précédent roman, Le dernier arbre (que j'ai déjà repéré à la bibliothèque) prochainement.

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