Nous sommes à la fin des années 50 aux Etats-Unis. Si Margaret fuit un premier mari despotique en compagnie de sa fille, ce n’est que pour mieux retomber sous l’emprise de Walter Keane, un baratineur de première qui se fait passer pour un peintre amateur. Flairant le potentiel artistique de celle qui deviendra bientôt son épouse, une femme timide et introvertie, Walter decide de prendre en main la commercialisation de son œuvre. Si Walter adore courir à tous les vernissages et autres mondanités en faisant preuve de beaucoup de culot et de bagout pour vendre ces toiles, il n’hésite pas non plus à s’en proclamer l’auteur, et ce avec le consentement de son épouse. Si les tableaux de Walter Keane, alias Margaret Keane, sont dédaignés par l’establishment et les critiques d’art, ils connaitront par contre un succès populaire extraordinaire. Jusqu’au jour où le couple commence à battre de l’aile et décide de se séparer. Il faudra encore attendre quelques années avant que Margaret Keane ait le courage de rétablir la vérité, en révélant au monde entier la supercherie de Walter Keane, même si elle en fut complice. Il s’en suivra un invraisemblable procès en cour fédérale, le juge ayant la tâche de déterminer lequel des deux est vraiment l’auteur de ces peintures d’enfants tristes aux yeux immenses …
Inspiré de l’histoire véritable de Margaret Keane, Big Eyes brasse une multitude de sujets aussi intéressants les uns que les autres. Comme la supercherie, la marchandisation et le marketing des arts et de la culture, car il faut bien reconnaître que Walter Keane, aussi déplaisant soit-il, avait du génie à ce niveau (nous lui devons notamment la possibilité d'acheter des reproductions de tableaux en posters dans les grandes surfaces ou autres, offrant des perspectives de vente qui se révèleront très lucratives). Il aborde aussi la complexité d’une artiste dont les peintures n'auraient peut-être pas connu un si franc succès auprès du public sans la verve et la roublardise de son époux, véritable vendeur-né, tant il valait mieux être un homme et développer bien d’autres talents que purement artistique pour percer dans le monde de l’art très cloisonné, hautement élitiste et assez misogyne de l’époque (lire à ce propos le dernier roman de Siri Hustvedt , Un Monde Flamboyant, qui traite abondamment de ce sujet, encore visiblement très actuel de nos jours dans la mesure où il est toujours difficile de cerner le succès d’un artiste sans tenir compte d’autres facteurs bien extérieurs au talent proprement dit et dont le genre semble encore occuper une place prépondérante). Un film au sujet finalement très « Burtonien » et personnel tant le réalisateur aborde la question de la création en mélangeant une certaine forme de monstruosité, de candeur et d’innocence. Il questionne aussi sur les raisons parfois bien nébuleuses qui font qu’une œuvre rencontre ou pas son public, et ce parfois en contradiction totale avec les avis de spécialistes. Alors succès mérité ou non ? Voilà une question qui doit tarauder Tim Burton, pour lui comme pour l’œuvre de Margaret Keane, au demeurant très kitsch, tout en se gardant bien d’y apporter une réponse définitive.
On pourra reprocher au réalisateur un traitement assez classique, qui surprendra (et décevra ?) peut-être ses fans de la première heure. Mais le sujet en lui-même est suffisamment intéressant pour apprécier le dernier film du réalisateur, même s’il n’apparaît pas à première vue comme un film majeur de sa filmographie. Un des plus personnels peut-être ?
L'avis mitigé de Traversay et plus enthousiaste de Keyvan Sheikh.
Réalisateur : Tim Burton
Acteurs : Amy Adams, Krysten Ritter, Christoph Waltz, Terence Stamp
Origine : États-Unis
Genres : Drame Biopic
Public : Tout public
Année de production : 2014
Date de sortie en Belgique : 18/03/2015
Durée : 1h46
Heureusement qu'il y a toi et Marla's Movies pour défendre ce film ! Effectivement, même si c'est pas tape-à-l'oeil, le film reste très burtonien (bien plus que ses machins comme Dark Shadows et Alice) notamment dans son sujet, son personnage féminin (presque une nouveauté chez Burton) et dans sa réflexion plus profonde qu'elle a l'air. Oui c'est plus classique mais jusque-là ce n'est pas une honte et ça reste bien fait et intéressant. Après quelques défauts, notamment la voix off en trop, mais pour moi le meilleur Burton depuis des lustres...
RépondreSupprimerFaut croire que cette voix off ne m'a pas trop troublée car je n'en ai plus aucun souvenir oups. Et je trouve également que Big Eyes est bien moins artificiel que ses derniers films, dont Alice que j'avais trouvé bien creux. Puis quel plaisir de ne plus se farcir l'acteur Johnny Depp, qui a pris beaucoup trop de place dans la filmo de Tim Burton, du moins c'est ce que je pense. Enfin j'avoue que je me fiche aussi pas mal du traitement dit "plus classique", ce qu'on dénonce un peu trop facilement ces derniers temps. Je veux une bonne histoire avant tout, avec du contenu et de la réflexion et là, je trouve qu'il y a tout ce qu'il faut là où il faut. Et je pense sincèrement qu'il s'agit sans doute d'un de ses films les plus perso, tant nous retrouvons beaucoup de questions sur l'art et le couple antinomique mais souvent indissociable de la création et l'aspect mercantile car il faut bien vendre (se vendre) si on veut continuer à créer. Mais sans perdre son identité, ce que Margaret Keane avait malheureusement accepté par faiblesse toute une partie de sa vie. Franchement, c'est vraiment un bon sujet.
SupprimerC'est pas que la voix off dérange, c'est juste qu'elle sert à rien, autant ne pas la mettre !
RépondreSupprimerJe suis d'accord, j'en pouvais plus de Depp qui s'autocaricaturait, il me fatigue ce type... Ca fait du bien de voir d'autres têtes !
En tout cas, je suis totalement d'accord avec ton commentaire, ça a beau être une commande, je trouve que le film reste personnel ! En tout cas ma critique, qui sera publiée ce mois-ci (je préfère rester vague sur la date, mais c'est sûr que ça sera dans le mois), devrait te plaire et on va se battre ensemble contre ses détracteurs mouhahah (rires diaboliques).
Il me fatigue aussi ce Johnny Depp, avec ses éternelles allures de jeune ado, je n'en peux plus. Et il en devient terriblement caricatural, comme tu le soulignes bien, alors que je le trouvais plutôt bon à ses débuts.
SupprimerOhla oui, je crois que nous serons minoritaires sur ce coup-là lol
Bonjour Sentinelle. Tu as écrit la chronique la plus enthousiaste que j'ai lue sur ce film. Peut-être que j'irai le voir un jour ou l'autre, si j'arrive à en finir avec mes quelques priorités du moment.
RépondreSupprimerD'une manière générale, comme beaucoup d'autres, il est vrai que Tim Burton m'a un peu déçu ces dernières années. Non pas qu'il soit devenu mauvais, mais je trouve qu'il travaille trop sur ces acquis. Bon... ces films conservent tout de même souvent de vraies qualités, alors pourquoi pas ?
Bonjour Martin,
SupprimerIl faut dire que le sujet de Big Eyes m'interpelle déjà à la base, cela contribue aussi pas mal à ma bonne appréciation. Je peux comprendre que cela intéresse moins d'autres personnes, d'où un moindre intérêt pour le film.
Effectivement, Tim Burton est un peu trop resté sur ses acquis ces dernières années, et même si j'ai toujours plus ou moins apprécié ses films, mon dernier coup de cœur remonte tout de même à 2005 avec Les noces funèbres.
Je pense que ce film devrait quand même te plaire ;-)