mercredi 28 janvier 2015

Le président d'Henri Verneuil


Retiré de la scène politique française après de nombreuses années de pouvoir, l’ancien président du Conseil des ministres -  Émile Beaufort (Jean Gabin) -  était réputé pour son intégrité et sa droiture exemplaire. Aujourd’hui âgé de 73 ans, il vit en retrait dans sa vaste propriété campagnarde, tout en dictant ses mémoires à sa secrétaire. 

Ce sera l’occasion de revenir sur plusieurs événements marquants de sa vie, comme cette affaire de dévaluation qui l’opposera aux manœuvres d’un groupe financier, la trahison de son collaborateur Philippe Chamalont (Bernard Blier) ou encore son retrait de la scène politique après avoir prôné l’union européenne, non sans avoir auparavant  réglé ses comptes avec les politiciens cupides et arrivistes. 

Émile Beaufort n’en demeure pas moins attentif à l’actualité des affaires nationales et c’est à la radio qu’il apprend que son ancien collaborateur, l’actuel député Philippe Chamalont, pourrait bien être chargé de constituer un cabinet de large union nationale dans une France en pleine crise ministérielle. Mais Émile Beaufort, qui possède une lettre compromettante et signée par Philippe Chamalont lui-même, pourrait bien en décider autrement…

Ce portrait d’un homme politique, qui emprunterait ses traits à Georges Clemenceau, Aristide Briand ou encore Léon Blum, ne brille pas vraiment par sa mise en scène. Mais le scénario, adapté du roman homonyme de Georges Simenon par Henri Verneuil et Michel Audiard, ce dernier se retrouvant également au commande des dialogues, constitue encore de nos jours une excellente surprise tant on ne s’ennuie pas une seconde pendant la vision du film. Des dialogues percutants et caustiques, un rôle taillé sur mesure pour Gabin qui excelle dans l’interprétation de cet homme vieillissant mais toujours aussi finaud et un Michel Audiard qui prend un réel plaisir (et nous avec) à égratigner les institutions et la petitesse du monde politique. Bref, un film à découvrir si ce n’est déjà fait.


Anecdote amusante : la petite phrase prononcée par  Philippe Chamalont (Bernard Blier) à Émile Beaufort (Jean Gabin) : "Vous n'avez pas le monopole de l'Europe !". Et bien cela m'a de suite fait penser à la très célèbre réplique "Vous n'avez pas le monopole du cœur !" de  Valéry Giscard d'Estaing à  François Mitterrand. Se serait-il inspiré du dialogue de Michel Audiard ? Nous ne le saurons jamais...

L'avis de Martin.


Pour avoir lu le roman de Simenon, on se rend compte du magnifique travail d'adaptation effectué par  Henri Verneuil et Michel Audiard. Le président de Georges Simenon est en effet un roman beaucoup plus sombre, avec un ancien président dix ans plus âgé et nettement plus dans le déclin et la fin de vie.  Il connaîtra une dernière déception cuisante lorsque Philippe Chamalont ne viendra pas lui rendre visite (contrairement au film). Une confirmation donc du fait qu'il n'est définitivement plus une pièce majeure dans le jeu de l'échiquier politique malgré ses années de service mais que tout cela n'est finalement plus tellement important. Et on assiste à une sorte de dépouillement progressif de tout ce qui a compté dans l’existence d'un vieil homme solitaire qui n'attend plus rien de la vie. Un roman plus grave et mélancolique mais également plus intimiste et plus poignant que le film. Disons que les deux se complètent à merveille et qu'il est vraiment intéressant de comparer les deux œuvres.


Réalisateur : Henri Verneuil
Acteurs : Jean Gabin, Bernard Blier, Renée Faure
D'après le roman Le président de Georges Simenon
Origine :  France
Genre : Comédie dramatique
Année de production : 1960
Durée : 1h45


4 commentaires:

  1. Bonsoir Sentinelle. Tu me donnes envie... de lire le livre. Le film, je l'ai vu et, comme toi, je l'apprécie beaucoup. Un minuscule bémol, histoire de chipoter et de frimer un peu avec mon savoir cinéma: tu dis que le rôle est taillé sur-mesure pour Gabin, ce avec quoi je suis d'accord. Sauf que... Gabin a eu paraît-il un mal fou à mémoriser la longue tirade du discours à l'assemblée. 54 prises auront été nécessaires pour la tourner, dit-on. Ce qui donne quand même une remarquable preuve de la force de travail de notre ami Jean... et de sa relative constance à jouer tout le temps avec la même intensité.

    Bref... "Le président", un film à voir et à revoir, oui !

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    1. Bonsoir Martin,

      C'est le seul film que j'ai vu jusqu'à présent à la Cinematek de Bruxelles, dans le cadre de la rétrospective consacrée actuellement à Henri Verneuil. Et je ne regrette pas mon choix !

      L'anecdote est effectivement très drôle et je te remercie de l'avoir partagée. Ceci dit, la tirade était vraiment longue, je comprends la difficulté de Gabin lol

      La tonalité du roman est tout autre, beaucoup plus dans la nostalgie, la mélancolie et la solitude de fin de vie. Un portrait sombre et touchant, et un Simenon qui arrive toujours à dresser un portrait ou planter une atmosphère en quelques mots à peine. J'aime de plus en plus Simenon, et cela tombe bien car ma bibliothèque croule sous les Simenon reçus "en héritage". Bref, je pioche toujours dans ma collection avant de voir son adaptation au cinéma et je me délecte à chaque fois :-)

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  2. Bonsoir Sentinelle, ce film est un des préférés de mon ami Ta d loi du cine qui connait une grande partie de la fameuse tirade dont une partie qu'il aime beaucoup: à l'énoncé qu'il existe des patrons de gauche, le président réplique: il existe aussi des poissons volants mais ce n'est pas la majorité du genre. Les dialogues d'Audiard, c'était quelque chose. Bonne soirée.

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    1. Bonjour Dasola,

      On pourrait en effet en citer de nombreux extraits, comme "Mais en écoutant M. Chalamont, je viens de m'apercevoir que le langage des chiffres a ceci de commun avec le langage des fleurs, on lui fait dire ce que l'on veut. Les chiffres parlent, mais ne crient jamais. C'est pourquoi ils n'empêchent pas les amis de M. Chalamont de dormir. Permettez moi messieurs, de préférer le langage des hommes : je comprends mieux."

      ou

      "Il faut prendre la démocratie comme elle est, cette démocratie dont un grand homme politique a dit qu'elle était le pire des régimes, à l'exception bien entendu de tous les autres."

      Comment ne pas apprécier ?

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