jeudi 10 septembre 2015

Memento mori de Sebastià Alzamora


Quatrième de couverture 

Barcelone, été 1936. Le Front populaire au pouvoir déchaîne la plus grande persécution religieuse qu’ait connue l’Espagne. Des éléments anarchistes incontrôlés se proposent d’exfiltrer discrètement des confréries religieuses, contre rançon. Dans la cuisine de la pension où ils se sont réfugiés en attendant de pouvoir quitter le pays, des frères maristes trouvent le corps sans vie d’un des leurs ; dans la ruelle avoisinante gît celui d’un enfant. Ils ont été vidés de leur sang, dans un modus operandi qui ressemble fort à celui des vampires. Le commissaire chargé de l’enquête ne croit pas aux vampires. Et pour tout dire, il n’accorde pas plus de crédit aux religieux qu’aux anarchistes qui les persécutent. Les deux acolytes (un docteur et un juge) qui l’assistent occasionnellement sont, eux, fascinés par la légende du Golem et s’ingénient à créer du vivant à partir de la matière inerte et plus particulièrement de dépouilles humaines. Pendant que ses amis s’exaltent avec leurs macabres automates, le commissaire se rend au couvent des Capucines où le chef des anarchistes a caché un évêque dont il pense pouvoir négocier la vie auprès des fascistes. L’infâme éminence, qui se pense aussi surnaturel que Dieu, y a jeté son dévolu sur une toute jeune novice. Est-ce l’effet de la pureté de son chant ou de son insoutenable puberté ? 


Mon avis

Ce roman pourrait aisément dérouter le lecteur dans la mesure où il n’hésite pas à mélanger les genres, allant du roman historique au polar en passant par une pincée de fantastique, tout en s’affranchissant allègrement des codes du genre. Il n’en demeure pas moins que la composante dominante de ce Memento mori (locution latine signifiant « souviens-toi que tu vas mourir ») reste résolument le roman noir, tant l’auteur se focalise sur la figure et la représentation du mal, qui prend ici le visage de la corruption et de la dépravation, mais aussi celui de l’animalité et de la monstruosité de l'homme, qui s’expriment d’autant plus librement que nous sommes au début de la guerre civile espagnole. 

Un roman original et prenant dans lequel je m’y suis retrouvée sans trop de difficulté, malgré le brassage des thèmes abordés et la noirceur des événements relatés. Point de consolation à la fin du récit, puisque l’auteur se plait à souligner que certains personnages et situations décrits dans le roman sont tirés de faits réels. Une autre façon d’aborder la guerre civile, qui n’a pas terminé d’inspirer bon nombre d’auteurs espagnols, de plus en plus nombreux à écrire des fictions à partir de ce substrat historique sombre et tragique.   Pour ne citer que quelques-uns parmi d’autres, je pense notamment aux auteurs tels que Javier Cercas, Antonio Muñoz Molina, Almudena Grandes, Eduardo Mendoza, Jaume Cabré, Julio Llamazares et Victor del Arbol, tous hautement recommandables. Ce roman-ci s'en  distingue toutefois par le fait qu'il est bien difficile de distinguer les « bons » des « méchants », tant l’extrémisme, le fanatisme et la violence furent de tous bords, y compris du côté des républicains espagnols, faits nettement moins exploités dans la littérature d'aujourd'hui.


Memento mori de Sebastià  Alzamora, Actes Sud Editions, Collection Actes noirs, 9 mars 2013, 324 pages.  Prix Sant Jordi du roman en 2011.


2 commentaires:

  1. J'avais trouvé la quatrième de couverture trop longue et l'édition ne me donnait pas confiance ayant lu quelques livres qui m'avaient déçu. Mais celui là me tente énormément même si je ne m'y connais pas du tout en culture espagnole ça sera une première approche. Ta chronique me rend immensément curieuse !

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    1. La quatrième est effectivement bien trop verbeuse et ne donne guère envie d'aller plus loin. Mais comme j'apprécie les incursions du côté des auteurs espagnols, je me suis laissée tenter et j'ai bien fait. J'ai trouvé ce roman particulièrement surprenant, de par le mélange des genres mais aussi par sa noirceur et son originalité dans le propos. Car ce roman a la particularité d'explorer la violence et la convoitise de l'homme (qui s'expriment d'autant mieux quand on lui donne le droit de tuer) des deux côtés de la barrière, tant du côté des fascistes (banal) que des républicains (déjà moins fréquent en littérature). La folie des hommes était de tous bords et ce roman l'illustre très bien. Maintenant,il faut apprécier le roman noir mais je suis allée jeter un coup d'oeil sur ton blog et j'ai vu que tu avais bien aimé Brimstone, qui ne fait pas dans la dentelle non plus. C'est vrai que toute monstruosité a quelque chose de fascinant et de répulsif à la fois, et cette figure du mal hante vraiment tout le roman. Je pense que tu y trouveras ton compte.

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