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Affichage des articles du 2009

Le syndrome du scaphandrier de Serge Brussolo

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David est un modeste fonctionnaire travaillant pour le compte d’une administration sans âme, une vie décevante sans agrément et d’un morne ennui. L’exaltation, le danger et la prise de risque, ce sont ses rêves qui les lui procurent, lorsqu’il retrouve ses fidèles complices – dont la belle et attirante Nadia – dans le but d’accomplir les plus audacieux et périlleux cambriolages qui soient. Une vie réelle sans substance et une vie rêvée exaltante, de quoi préférer la vie onirique au quotidien décevant, même si les psychologues lui affirment que cet univers parallèle n’est rien d’autre que le produit de son imagination : « Essayez de toujours conserver à l'esprit que ce qui se passe "en bas" n'a aucune existence réelle.  Il n'y a pas d'en bas. Ne donnez surtout aucune épaisseur à ces fantasmes ou vous finirez schizophrène. [...]   Ne devenez pas comme ces vieux plongeurs qui croient que les personnages de leurs rêves continu...

Bel-Ami de Guy de Maupassant

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Extrait - Dis donc, mon vieux, sais-tu que tu as vraiment du succès auprès des femmes ? Il faut soigner ça. Ca peut mener loin. Il se tut une seconde, puis reprit, avec ce ton rêveur, des gens qui pensent tout haut : - C'est encore par elles qu'on arrive le plus vite. Mon avis Bel-Ami retrace l’ascension d’un homme qui n’avait aucune carte en main à sa naissance mais qui, par force de séduction, cynisme, ambition, opportunisme et arrivisme, accède aux plus hautes places de la société parisienne du XIXe siècle. Un aventurier privé de conscience et sans aucun talent si ce n’est celui de gravir les marches du pouvoir par les femmes qu’il soumet à ses ambitions. Car cette ascension, il la doit exclusivement à son pouvoir de séduction auprès de la gent féminine : prostituée, bigote, ambitieuse, frivole, jeune ingénue, aucunes ne résistent à ses appâts. Maupassant nous décrit également avec causticité et sagacité la faune parisienne du XIXe siècle : nous p...

MURENA, Chapitre Premier : La Pourpre et l’Or de Jean Dufaux et Philippe Delaby (BD)

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Murena est une bande dessinée historique ayant pour cadre la Rome Antique. La série comprend deux cycles : le cycle de la mère (4 tomes) suivi du cycle de l’épouse (4 tomes dont le dernier à paraître). « La Pourpre et l'Or » est le premier tome du cycle de la mère. Nous sommes en 54 apr. J.-C. Claude - quatrième empereur romain de la dynastie julio-claudienne - règne sur Rome. Sa quatrième épouse, la redoutable Agrippine, est une femme ambitieuse et dangereuse : pressé par son épouse de faire reconnaître son fils Lucius Domitius, né d’un précédent lit, Claude ne se doute pas qu’il vient de signer son arrêt de mort. En adoptant le fils d’Agrippine, le faisant passer devant son propre fils naturel dans l’ordre de succession, Claude ne se rend pas compte qu’il devient plus intéressant mort que vivant aux yeux de son épouse. Bien décidée à parvenir au pouvoir par l’entremise de son fils, Agrippine n’hésite pas à comploter la mort par empoisonnement de son époux, d...

Une vie de Guy de Maupassant

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Nous sommes en 1819, à Rouen. Jeanne, une jeune aristocrate de 17 ans, vient juste de sortir du couvent dans lequel elle avait été tenue cloîtrée depuis ses 12 ans. Elle semblait un portrait de Véronèse avec ses cheveux d’un blond luisant qu’on aurait dit avoir déteint sur sa chair, une chair d’aristocrate à peine nuancée de rose, ombrée d’un léger duvet, d’une sorte de velours pâle qu’on apercevait un peu quand le soleil la caressait. Ses yeux étaient bleus, de ce bleu opaque qu’ont ceux des bonhommes en faïence de Hollande. Son père, le baron Simon-Jacques Le Perthuis des Vauds, voulait « qu’on la lui rendît chaste à dix-sept ans pour la tremper lui-même dans une sorte de poésie raisonnable ». C’est que monsieur le baron est un disciple enthousiaste de J.-J. Rousseau et son principal objectif est celui d’ouvrir l’âme pure de sa fille aux joies de la nature, de la contemplation enchantée des champs et des bois à la tendresse simple des animaux. Aussi Jeanne - enfin lib...

Des hommes de Laurent Mauvignier

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Quatrième de couverture Ils ont été appelés en Algérie au moment des " événements ", en 1960. Deux ans plus tard, Bernard, Rabut, Février et d'autres sont rentrés en France. Ils se sont tus, ils ont vécu leurs vies. Mais parfois il suffit de presque rien, d'une journée d'anniversaire en hiver, d'un cadeau qui tient dans la poche, pour que, quarante ans après, le passé fasse irruption dans la vie de ceux qui ont cru pouvoir le nier. Laurent Mauvignier revient sur une page douloureuse de l’histoire de France, celle de la guerre d'indépendance algérienne. « On avait renoncé à croire que l'Algérie, c'était la guerre, parce que la guerre se fait avec des gars en face alors que nous, et puis parce la guerre c'est fait pour être gagné alors que là, et puis parce que la guerre c'est toujours des salauds qui la font à des types bien et que les types bien là il n'y en avait pas, c'étaient des hommes, c'est tout... » Q...

La dernière métamorphose de Keiichirô Hirano

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« Longtemps, je suis resté immobile, tapi dans un coin de ma chambre. Cela doit faire environ deux semaines que je m'y suis enfermé. Mon reflet dans le miroir montre un visage aux joues et au menton envahis par une barbe hirsute. Avant, comme je prêtais toujours une grande attention à mon apparence, je prenais soin de ma coiffure et m'épilais méticuleusement les sourcils. Maintenant, mes arcades sourcilières sont à l'abandon, comme une maison délabrée dans un champ en broussaille, et j'ai beau relever les mèches, ternies par la saleté, de mes cheveux que je ne lave plus depuis des jours, elles retombent chaque fois en désordre sur mes yeux. » C’est ainsi que débutent les confessions d’un jeune cadre japonais qui décide un beau jour de ne plus se rendre au travail, rompant toutes relations sociales, professionnelles et familiales en restant cloîtrer dans sa chambre, n’en sortant plus que pour satisfaire ses besoins corporels. Reclus dans sa chambre et coupé du...

Fugitives d'Alice Munro

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« C'était la deuxième fois qu'elle laissait tout derrière elle. La première fois, c'était exactement comme dans la chanson des Beatles - elle avait posé un mot sur la table et s'était faufilée hors de la maison à cinq heures du matin pour retrouver Clark sur le parking de l'église, au bout de la rue. Elle fredonnait d'ailleurs cette chanson dans la camionnette qui accélérait en vrombissant. She's leaving home, bye-bye.» Alice Munro met en scène, en huit nouvelles, des femmes qui partent. Elles fuguent, s’enfuient, s’en vont voir ailleurs. Elles quittent un foyer, une famille, une mère, elles fuient un amour naissant, rejettent un destin tout tracé. Mais elles se dispersent aussi beaucoup ces femmes, se dérobant souvent face au danger de leur propre désir. Car il semble bien qu’elles arrivent avant tout merveilleusement bien à se fuir elles-mêmes tant parfois il nous semble qu’elles cèdent facilement au renoncement et à l’abnégation. Fugitives, peut-...

Boule de suif de Guy de Maupassant

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Nous sommes en 1870, quelques mois après le début de la guerre franco-prussienne qui oppose le Second Empire français aux royaumes allemands unis derrière le royaume de Prusse. Les Prussiens débarquent à Rouen tandis que l’armée française est en pleine débâcle. L’occupant s’installe et l’habitant résiste peu, plus soucieux de s’attirer les bonnes grâces du belligérant pour améliorer son quotidien que de s’insurger contre lui par civisme. Mais cette odeur d’invasion finit tout de même pas en incommoder quelques-uns, que ce soit par patriotisme ou par nécessité, le besoin du négoce commençant à tirailler certains commençants. Après avoir reçu une autorisation de départ des autorités militaires allemandes, un groupe de dix personnes quitte la ville à bord d’une diligence tirée par six chevaux pour rejoindre le port du Havre, que l’armée française occupe toujours, en passant par les voies de terre à Dieppe. Parmi les voyageurs, deux bonnes sœurs, un démocrate, un couple de m...

Mr. Vertigo de Paul Auster

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Quatrième de couverture « J'avais douze ans la première fois que j'ai marché sur l'eau. L'homme aux habits noirs m'avait appris à le faire, et je ne prétendrai pas avoir pigé ce truc du jour au lendemain. Quand maître Yehudi m'avait découvert, petit orphelin mendiant dans les rues de Saint Louis, je n'avais que neuf ans, et avant de me laisser m'exhiber en public, il avait travaillé avec moi sans relâche pendant trois ans. C'était en 1927, l'année de Babe Ruth et de Charles Lindbergh, l'année même où la nuit a commencé à envahir le monde pour toujours. J'ai continué jusqu'à la veille de la Grande Crise, et ce que j'ai accompli est plus grand que tout ce dont auraient pu rêver ces deux cracks. J'ai fait ce qu'aucun Américain n'avait fait avant moi, ce que personne n'a fait depuis. » Lu il y a des années, j’ai eu envie de me replonger dans une des mes lectures préférées de Paul Auster...

L'enfer des rêves de Theodore Roszak

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Quatrième de couverture Deirdre Vale, seule rescapée avec sa fille Laney, 12 ans, d'un drame épouvantable, travaille à la clinique psychiatrique du docteur Devane, spécialiste des enfants autistes. La jeune femme possède un véritable don : celui d'entrer dans les rêves de ses semblables, de manipuler ainsi leurs désirs les plus inconscients, leurs peurs les plus secrètes. Le jour où une religieuse expulsée du Guatemala à cause de son activisme politique et social arrive à la clinique, Deirdre est loin de se douter de l'implacable mécanique qui va l'emporter. On retrouve dans ce récit aux nombreux rebondissements, où l'on va de surprise en surprise, tous les thèmes chers à Theodore Roszak, que ce soit l'exploration de l'inconscient, le complot ou la corruption du pouvoir. Une fois encore, l'auteur traite de la liberté de l'homme et de la lutte sans fin entre le bien et le mal. « L’enfer des rêves » est le petit dernier de Theodore Rosza...

La légende de nos pères de Sorj Chalandon

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« J'ai laissé partir mon père sans écouter ce qu'il avait à me dire, le combattant qu'il avait été, le Résistant, le héros. J'ai tardé à le questionner, à moissonner sa mémoire. Il est mort en inconnu dans son coin de silence. Pour retrouver sa trace, j'ai rencontré Beauzaboc, un vieux soldat de l'ombre, lui aussi. J'ai accepté d'écrire son histoire, sans imaginer qu'elle allait nous précipiter lui et moi en enfer... » Marcel Frémaux, ancien instituteur et journaliste pendant six ans en tant que correspondant local pour La Voix du Nord, est aujourd’hui devenu biographe familial. A force d’écouter et de regarder la vie des autres, l’idée lui est venue de devenir biographe des ‘petits riens’ des gens, leur offrant des mots là où on lui prête une vie. Ni psychologue ni confesseur, juste un homme qui propose ses services pour mettre en mots les souvenirs des gens, les rédiger et ensuite les imprimer afin d’en faire des livres à compte d’auteur ...

Sang impur de Hugo Hamilton

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Quatrième de couverture Roman autobiographique ou autobiographie en forme de roman, Sang impur évoque l'enfance de l'auteur dans le Dublin pauvre des années 50 et 60, entre une mère allemande que les braves gens du coin traitent de nazie - alors qu'elle est issue d'une famille où l'on détestait Hitler - et un père délirant engagé dans le combat nationaliste irlandais pur et dur, qui exige qu'aucun mot d'anglais ne soit prononcé sous son toit. Pour les gamins de cette drôle de famille, la violence est partout : à l'école où on les traite en parias, dans la rue où les graffitis en forme de croix gammée fleurissent sur leur passage, et jusqu'à la maison par la main du père frappeur, pitoyable et risible tout ensemble, qui impose ses lubies à coups de taloches, mais échoue lamentablement dans toutes les entreprises de la vie. « Quand on est petit, on ne sait rien. On ne sait pas où on est, qui on est, ni quelles questions poser. » Lo...

La Réserve de Russell Banks

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Quatrième de couverture Quand en juillet 1936 le peintre Jordan Groves rencontre pour la première fois Vanessa Cole, lors d'une soirée donnée par le célèbre neurochirurgien new-yorkais dont elle est la fille adoptive, dans son luxueux chalet construit dans "la Réserve", en bordure d'un lac des Adirondacks, il ignore qu'il vient de franchir, sans espoir de retour, la ligne qui sépare les séductions de la comédie sociale et les ténèbres d'une histoire familiale pleine de bruit et de fureur. Très loin de là, en Europe, l'Histoire est en train de prendre un tour qui va bientôt mettre en péril l'équilibre du monde. Déjà, certains intellectuels et des écrivains, tels Ernest Hemingway ou John Dos Passos, un ami de Jordan Groves, ont rejoint l'Espagne de la guerre civile afin de combattre aux côtés des républicains. Si attaché qu'il soit à sa femme et à ses deux jeunes garçons, ou aux impératifs d'une carrière artistiq...

Là où les tigres sont chez eux de Jean-Marie Blas de Roblès

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Quatrième de couverture Eléazard von Wogau, héros inquiet de cette incroyable forêt d'histoires, est correspondant de presse au fin fond du Nordeste brésilien. On lui laisse un jour un fascinant manuscrit, biographie inédite d'un célèbre jésuite de l'époque baroque. Commence alors une enquête à travers les savoirs et les fables qui n'est pas sans incidences sur sa vie privée. Comme si l'extraordinaire plongée dans l'univers d'Athanase Kircher se répercutait à travers les aventures croisées d'autres personnages, tels Elaine, archéologue en mission improbable dans la jungle de Mato grosso, Moéma, étudiante à la dérive, ou bien Nelson, jeune gamin infirme des favelas de Pirambu qui hume le plomb fondu de la vengeance. Nous sommes au Brésil, dans le pays des démesures. Nous somme aussi dans la terra icognita d'un roman monstre. On songe au réalisme magique des Borges et Cortazar, à Italo Calvino ou Umberto ...

La vie aux aguets de William Boyd

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Quatrième de couverture Pendant la canicule de l’été 1976, dans la campagne oxonienne, une jeune femme rend visite à sa mère, dont les propos la désarçonnent. Que penser en effet quand votre mère si anglaise, si digne, vous annonce tout de go qu’elle n’est pas Sally Gilmartin mais Eva Delectorskaya, une émigrée russe et une ex-espionne de haut vol ? Et pourtant Ruth Gilmartin doit s’y résoudre : tout est vrai. Depuis trente et quelques années, pour tenter de retrouver la sécurité, voire sauver sa peau, Sally-Eva a échafaudé avec soin le plus vraisemblable des mensonges. Au fil de la lecture du mémoire que lui remet sa mère, Ruth voit sa vie basculer. À qui se fier ? À personne justement, comme le voulait la règle numéro un du séduisant et mystérieux Lucas Romer qui a recruté Eva en 1939 pour les services secrets britanniques. Mais Ruth comprend. Si Eva se découvre maintenant, c’est qu’elle a besoin de l’aide de sa fille pour accomplir sa dernière mis...

Ce que je sais de Vera Candida de Véronique Ovaldé

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Extrait Les vies se transforment en trajectoire. Les oscillations, les hésitations, les choix contrariés, les déterminations familiales, le libre arbitre réduit comme peau de chagrin, les deux pas en avant trois pas en arrière sont tous gommés finalement pour ne laisser apparaître que le tracé d’une comète. C’est ainsi qu’Itxaga devint peu à peu ce qu’il est encore et que, de loin, on ne pouvait lui imaginer une autre vie que la sienne.   Mon avis Véronique Ovaldé avait déjà retenu mon attention lors de la lecture de son roman Déloger l’animal , paru en 2005. Un sujet original à l’atmosphère étrange, mélancolique et onirique, le tout porté par une plume poétique et un auteur que j’allais suivre sans aucun doute. Et j'ai retrouvé avec plaisir la plume gracieuse de Véronique Ovaldé, avec cette touche originale de réalisme magique qui la distingue de la plupart des écrivains français contemporains. Avec ce roman sur la filiation et la transmission, la féminité et la ma...

Lait noir de Elif Shafak

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Elif Shafak nous parle de la maternité dans ce récit autobiographique dans lequel l’auteur s’interroge quant à la possibilité de pouvoir combiner maternité et écriture, en évoquant le choix de vie de quelques grandes dames de la littérature telles que Virginia Woolf, Simone de Beauvoir, George Sand, Doris Lessing, Ursula K. Le Guin, Zelda Sayre Fitzgerald et d’autres poètes ou romancières turques moins connues sous nos latitudes. Un constat s’impose, il n’y a pas de réponse toute faite à cette question ni de lignes directrices majeures mais une multitude d’aménagements et d’accommodements divers, propre à chaque femme. « Une règle est restée inchangée jusqu’à nos jours : les écrivains masculins sont avant tout perçus comme des écrivains, ensuite comme des hommes. Quant aux femmes écrivains, elles sont d’abord femmes, puis écrivains. » La question de l’écriture et de la maternité sera également exploitée de manière originale et humoristique par le biais des ‘petites voix in...

Jan Karski de Yannick Haenel

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Si la figure centrale du livre est bien évidemment Jan Karski, ce récit s’articule également autour de plusieurs axes principaux tels que le devoir et la responsabilité du témoin, la question polonaise, l’extermination des juifs et la complicité passive des Alliés qui ‘savaient’. Un récit découpé en trois parties qui se complètent et se juxtaposent afin de mieux approcher le parcours insensé d’un homme porteur d’un message ultime qu’il ne cessera de clamer à la surface du monde, un homme devenu malgré lui un personnage digne de la mythologie grecque, ne devant rien envier à cette pauvre Cassandre douée du don de prophétie mais condamnée à ne jamais être entendue. La première partie reprend le témoignage de Jan Karski face à la caméra de Claude Lanzmann lors du tournage de La Shoah , la deuxième partie est un résumé de l’autobiographie de Jan Karski et la troisième partie est celle romancée par Yannick Haenel, chaque partie n’étant jamais redondante par rapport à l’autre mais...

L'Héritage d’Esther de Sándor Márai

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Quatrième de couverture Publié en 1939, L'Héritage d’Esther rassemble en un bref récit tout ce qui fait l'art de M á r a i. Retirée dans une maison qui menace ruine, engourdie dans une solitude qui la protège, une femme déjà vieillissante voit soudain ressurgir le seul homme qu'elle a aimé et qui lui a tout pris, ou presque, avant de disparaître vingt ans plus tôt. La confrontation entre ces deux êtres complexes - Esther la sage, ignorante de ses propres abîmes et Lajos l'insaisissable, séducteur et escroc - est l'occasion d'un de ces face à face où l'auteur des Braises et de La Conversation de Bolzano excelle. La tension dramatique extrême, l'atmosphère somnambulique, l'écriture sobre et précise font de ce court roman un véritable chef-d'œuvre. « L’héritage d’Esther » reprend beaucoup de thèmes déjà développés dans son roman « Les braises » : univers bourgeois en déconfiture, délabrement et ruine imminentes, nostalgie et fin d’une ...

L'anneau maudit de Selma Lagerlöf

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Selma Lagerlöf (1858-1940) fut la première femme honorée du Prix Nobel de Littérature (1909). Auteur suédois, son œuvre la plus connue n’est autre que Le Merveilleux Voyage de Nils Holgersson à travers la Suède. Peut-être certains d’entre vous se souviendront mieux de l’adaptation en dessin animé japonais « Nils Holgersson », réalisé dans les années 80 par Hisayuki TORIUMI (le petit enfant sur le dos d’un jar qui accompagne les oies sauvages dans leur migration à travers la Suède jusqu'en Laponie, c’est Nils). Une grande dame de la littérature que j’avais envie de découvrir depuis pas mal de temps, raison pour laquelle je n’ai pas hésité longtemps à me procurer l’excellent conte « L’anneau maudit » lorsque l’occasion s’est présentée. Ce court récit fantastique nous plonge dans la Suède de roi batailleur Charles XII, plus précisément dans la région du Värmlan, région natale de Selma Lagerlöf qui connaît bien son histoire et les légendes qui la nourrissent. Le roi Char...

Mort d’un parfait bilingue de Thomas Gunzig

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Disons-le d’emblée, j’aime bien Thomas Gunzig : j’aime bien sa bouille, j’aime bien sa fantaisie, son sens du grotesque et du dérisoire, son côté décalé et son ton grinçant. Nous sommes du même âge et nous habitons la même ville, nous avons donc inévitablement quelques points communs, et pas des moindres (lire mon précédent billet portant sur ma lecture 10.000 litres d’horreur pure - Modeste contribution à une sous-culture). Thomas Gunzig excelle surtout dans l’écriture de nouvelles, sa dernière publication Au Diable Vauvert et s’intitulant Assortiment pour une vie meilleure ne devrait pas le démentir (ce recueil de textes écrits entre 2004 et 2009 rejoindra sans nul doute très prochainement ma PAL déjà bien remplie). « Mort d’un parfait bilingue » est le premier roman de l’auteur, premier roman pour lequel il empochera un des prix les plus prestigieux de Belgique : le Prix Victor Rossel, en 2001. Nous sommes en pleine guerre, dans un pays qu’on ne nomme jamais mais qui...