dimanche 2 février 2014

Without Memory de Hirokazu Kore-eda (documentaire)



Ce documentaire est le portrait de famille d’un père, Sekine Hiroshi, atteint de l’encéphalopathie de Wernicke suite à une négligence médicale : pendant toute la durée de son hospitalisation, qui a duré cinq semaines, son alimentation s’est réduite à des perfusions de glucose, ce qui a entraîné une grave carence en thiamine (vitamine B1).

L’encéphalopathie de Wernicke se traduit par un manque de coordination fine des mouvements volontaires (ataxie), un nystagmus mais surtout une confusion et une perte de la mémoire à court terme. Depuis sa sortie de l’hôpital, Hiroshi doit réapprendre à vivre avec ses pertes de mémoire des événements récents.

Hirokazu Kore-eda ne pouvait que s’intéresser à un tel sujet, tant nous retrouvons tous les thèmes qui lui sont chers et qui seront développés par la suite dans ses longs métrages, à savoir la famille, la paternité, la perte (ici la perte de mémoire, de son identité, de ses repères) et le deuil (des capacités passées, de l’homme, du père et de l’époux avant la maladie). Un sujet sur la mémoire d’autant plus interpellant pour le propre grand-père du réalisateur fut atteint de la maladie d’Alzheimer.

Kore-eda filmera Hiroshi et sa famille de 1994 à 1996, dans la reconstruction du tissu familial, qui se fait au jour le jour, dans le cheminement d’Hiroshi quant à l’acceptation de sa maladie, dans l’apprentissage, le travail sur soi et sur sa mémoire défaillante. Mais ce document constitue également un plaidoyer contre le gouvernement et ses carences dans les soins de santé, sans oublier l'inertie bureaucratique. Kore-eda accompagnera la famille d’Hiroshi dans son combat pour obtenir un traitement adéquat et des indemnités satisfaisantes suite à l’erreur médicale subie.

Mais le plus grand combat d’Hiroshi est sans nul doute sur lui-même. Nous ne pouvons qu’être extrêmement touchés par cette famille, cette épouse bienveillante, patiente, aimante, ses enfants qui ont un père qui vit dans un état de grande confusion, et cet homme qui répète comme un mantra qu’il doit accepter sa maladie et apprendre ensuite à faire « avec ». Les exercices journaliers, les questions/réponses, les petits trucs pour pallier le manque de mémoire, l’importance de l’affect également, tant un souvenir émerge plus facilement s’il fut le siège d’une forte émotion.

Nous sommes touchés par l’angoisse qui se lit dans son regard quand il ne sait plus où il est, avec qui il parle, quand il confond le rêve et la réalité, quand il ne se reconnaît pas dans un petit film familial tourné quelques jours plus tôt. Un combat contre les sables mouvants de sa mémoire. Et quelle sagesse, quelle absence de colère, quelle humilité, quelle acceptation, quelle grandeur d’âme, tout simplement. Un documentaire porteur d’espoir tant la vie continue, avec la naissance d’un troisième enfant pendant le tournage, une petite fille qui rejoindra ses deux frères aînés.

Without Memory de Hirokazu Kore-eda a obtenu le Prix du meilleur documentaire au Japon. Ce documentaire a été vu dans le cadre de la rétrospective du réalisateur japonais Hirokazu Kore-eda. Les sous-titres sont en anglais.


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