mardi 25 mars 2008

Les vivants et les ombres de Diane Meur

Les vivants et les ombres est une saga familiale qui se déploie sur plus d'un siècle d'histoire.

Nous sommes au XIXe siècle en Galicie, région de l'Europe de l'Est située le long des Carpates. Possession de l'empire austro-hongrois des Habsbourg depuis le premier partage de la Pologne en 1772, carrefour multiculturel dans lequel se côtoient avec quelques difficultés polonais, ruthènes, russes, prusses et juifs.  Ce roman nous conte l'ascension puis la décadence de Jozef Zemka, polonais ambitieux qui veut reconquérir le domaine fondé par son noble ancêtre désargenté, en mariant la fille de l'actuel propriétaire.

L'originalité du roman repose sur le fait que la narratrice n'est autre que la maison du domaine. Mariages, ambitions, relations difficiles entre polonais (propriétaires et seigneurs des terres) et ruthènes (serfs), fin de la féodalité, début de l'industrialisation, émeutes, luttes pour l'indépendance polonaise, antisémitismes, amours, adultères, trahisons, tous ces petits et grands événements seront épiés et commentés sans complaisance par cette noble maison qui se cache encore pour un temps derrière son fronton néo-classique.

Mais plus que tout, la narratrice s'intéresse aux femmes du domaine, à leur destin souvent bridé par la bienséance et le contexte historique de l'époque.  Et il y a de quoi observer ! Clara, la femme de Jozef Zemka, donnera naissance à cinq filles, au plus grand désespoir de son époux. Cinq fardeaux à marier, pas de descendant mâle pour reprendre le domaine, cinq destins de femmes finement analysées par notre fidèle narratrice.  Condamnées à des mariages arrangés, à la réclusion domestique, au couvent, certaines trouveront pour un temps le bonheur dans les bras d'un homme aimé mais la culpabilité et les conventions reprendront assez vite le dessus. Et pourtant, ici aussi la révolte gronde ! Certaines n'hésiteront pas à briser les chaînes de la convention sociale pour assumer leur choix et goûter à la liberté. Notre noble narratrice, féminine dans l'âme, ne sera d'ailleurs pas en reste dans cette dernière aventure...

Diane Meur nous convie donc à une grande saga familiale ayant pour cadre la Galicie au XIXe siècle, région mal connue et au passé historique mouvementé. On pouvait craindre une certaine lourdeur et quelques longueurs lorsque nous voyons le nombre de sujets traités, et pourtant il n'en est rien. Diane Meur a des talents de conteuse et une plume légère et ciselée nous rapporte tous ces faits avec une facilité de lecture déconcertante.

Diane Meur a reçu pour Les vivants et les ombres le Prix Victor Rossel 2007 (le plus prestigieux prix littéraire belge) et le Prix Rossel des jeunes.


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