C’est à l’aube du cinquantième anniversaire de l’indépendance du pays que David Van Reybrouck s’est lancé dans un pari fou, celui d’écrire l’histoire mouvementée du Congo. Seul pays d’Afrique à avoir deux fuseaux horaires, le Congo possède la plus grande forêt humide au monde après l’Amazonie. Biodiversité spectaculaire, 400 groupes ethniques, des régions minières d’une richesse inouïe (cuivre, diamant, or, uranium, zinc, cobalt, étain…), 9 pays voisins et les nombreux conflits frontaliers qui en résultent, un pays énorme et une histoire à la démesure de son territoire.
Impossible de faire un résumé, mais sachez que l’auteur aborde toutes les époques du Congo : celle de la préhistoire aux premiers négriers européens, des premiers missionnaires anglo-saxons au voyage de Stanley, de l’évangélisation au colonialisme de Léopold II, de l’esclavagisme au marché de l’ivoire et du caoutchouc, du Congo belge aux concessions commerciales et autres zones de libre-échange, de la première vague d’industrialisation à l’urbanisation, la prolétarisation et la monétarisation, de la Première et la Deuxième Guerre mondiale aux prophètes et autres religions populaires, de projet Manhattan et de l’uranium congolais à l’effort de guerre, de la caste des « évolués » à la décolonisation tardive et la soudaine indépendance, de Lumumba au mobutisme… jusqu’aux accords entre le Chine et le Congo de ces dernières années.
Non seulement David Van Reybrouck est exhaustif dans la description de l’histoire complexe et violente de ce pays, mais son originalité repose sur le fait qu’il donne la parole à autant de voix congolaises que possible, en recherchant des témoins vivants, des personnalités influentes mais surtout des gens ordinaires dont la vie a été marquée par l’Histoire avec un grand H. Un récit subjectif dans laquelle il se dépeint lui-même dans ses pérégrinations, conférant au texte une richesse de ton bien éloigné de l’austérité académique. Un récit vivant et haut en couleur, une histoire pleine de bruit et de fureur, au ton personnel bien plus passionnant que celui d’un livre d’histoire. Alors peu importe si les souvenirs, de par leur nature, sont parfois sujets à caution tant la richesse du vécu importe plus, donnant véritablement tout le sel à cet essai qui fait tout de même plus de 600 pages de texte, sans compter la justification des sources et la bibliographie. Evidemment, ce parti pris ne conviendra pas à tout le monde et certainement pas aux puristes mais je m’y suis pour ma part très bien retrouvée. Un petit conseil : à ne pas lire d’une traite tant le sujet est dense.
« Congo, Une histoire » est tout simplement devenu un incontournable préalable à toute lecture sur le Congo.
Prix Médicis de l’Essai 2012.
David Van Reybrouck, né à Bruges en 1971, a étudié l’archéologie, l’histoire et la philosophie à l’université de Leyde puis à Cambridge. Il est titulaire d’un doctorat de l’université de Leyde. Ecrivain, romancier, homme de théâtre et journaliste.
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