lundi 27 janvier 2014

Sur la plage de Chesil de Ian McEwan

« Ils étaient jeunes, instruits, tous les deux vierges avant leur nuit de noces, et ils vivaient en des temps où parler de ses problèmes sexuels était manifestement impossible. Mais ce n’est jamais facile. » 
 
Nous sommes en 1962, dans l'Angleterre d'avant la révolution sexuelle. Le soir de leur mariage, Edward Mayhew et Florence Ponting se retrouvent enfin seuls dans la vieille auberge du Dorset où ils sont venus passer leur lune de miel. Précédant ce moment ô combien important, ce ne furent que des rêveries, des fantasmes, des illusions de jeunesse, avec l'ardent désir de commencer enfin leur véritable histoire. Mais c’était sans compter le poids du passé, des inhibitions engendrées par l’éducation reçue, de l’époque où pour coucher avec une femme, il fallait l’épouser et où la pilule n’était encore qu’une rumeur colportée par les journaux, une légende de plus venue d’Amérique. Comment s’apprivoiser un peu lorsque l’extinction des feux a lieu à vingt-trois heures précises dans les foyers pour étudiantes de bonne famille, dans lequels aucun visiteur masculin n’était admis.
«Toutes ces années durant, elle avait vécu totalement isolée, à la fois en elle-même et d’elle-même, sans jamais vouloir ni oser regarder en arrière. Dans cette salle dallée au plafond alourdi par des poutres apparentes, les problèmes entre elle et Edward étaient déjà présents dès les premières secondes, dès le premier regard. »

Comment avouer sa peur, sa honte à la perspective de décevoir et d’être percé à jour, sa répugnance de l’acte imaginé, son dégoût pour la pénétration assimilée à la souffrance de chairs tranchées par une lame ?
« Qu’est-ce qui les arrêtait donc ? Leur personnalité et leur passé, leur ignorance et leur peur, leur timidité, leur pruderie, leur manque d’aisance, d’expérience ou de naturel, vestiges des interdits religieux, leur anglicité, leur classe sociale, et même le poids de l’Histoire. Trois fois rien. »

Le manque de confiance en soi et en l’autre, l’incommunicabilité, la honte, la culpabilité, la colère. Et les regrets ensuite :
« Voilà comment on peut radicalement changer le cours d’une vie : en ne faisant rien. »

Un texte court mais ciselé, intense et précis dans les émotions ressenties de part et d’autre, parsemé de nombreux flashback, tout en subtilité sur un sujet aussi intime que délicat.

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