Disons, pour commencer, que Cranford est aux mains des Amazones ; au-dessus d’un certain loyer, ses demeures ne sont occupées que par des femmes. Si jamais un couple marié vient s’installer en ville, d’une manière ou d’une autre, le monsieur disparaît ; tantôt il finit par mourir tout simplement de peur, à l’idée d’être le seul homme à fréquenter les soirées de l’endroit ; tantôt il a une bonne raison d’être absent, puisqu’il se trouve qui avec son régiment, qui sur son navire, qui tout à fait accaparé par ses affaires d’un bout à l’autre de la semaine, dans ce haut lieu du commerce qu’est Drumble, la métropole voisine, distante de vingt miles seulement par le chemin de fer. Bref, les messieurs, quel que soit leur sort, sont absents de Cranford. D’ailleurs, que feraient-ils, s’ils vivaient là ?
Ainsi débute ce merveilleux petit roman. Les vieilles dames de la bonne société de Cranford ont de l’éducation et veillent à maintenir leur rang coûte que coûte, même si l’argent manque et qu’il est bien difficile de joindre les deux bouts. Mais telles des spartiates, elles dissimulent leur gêne derrière un visage souriant et digne. Pas question donc d’échapper aux règles et autres convenances, pas question non plus d’omettre leurs petites manies et autres préjugés.
Elizabeth Gaskell brosse avec subtilité ce microcosme de la bonne société anglaise rurale, désargentée et essentiellement féminin mais non sans ressources pour pallier aux aléas de la vie. Une époque révolue où le fait de présenter sa pipe à une dame en lui demandant de bien vouloir en bourrer le fourneau était une galanterie qui lui faisait honneur.
Un livre délicieusement charmant et touchant, épinglant les petits travers sans avoir l’air d’y toucher. Ironie et humour anglais sont au rendez-vous, cela va de soi.
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