samedi 23 août 2014

Le bruit des autres de Amy Grace Loyd

Celia, jeune veuve proche de la quarantaine, tient le monde à distance depuis la mort pénible de son époux. Introvertie et solitaire, elle décide pourtant d’acheter avec son héritage un petit immeuble à Brooklyn, tout en choisissant avec grands soins ses locataires, pour leur discrétion et l’harmonie de l’immeuble. Fermer les portes pour se préserver des autres, contrôler et se prémunir de toutes intrusions, voilà donc la nouvelle vie de Celia. Jusqu’au jour où un grain de sable vient rayer cette belle mécanique : son locataire du dessus, George, qui souhaite passer une année sabbatique en France, demande s’il peut sous-louer pendant son absence l'appartement à Hope, une amie récemment séparée de son époux, tombé amoureux d’une autre femme.

« Je voulais de l’ordre, pour moi, pour l’immeuble. J’avais voulu certaines barrières, le droit de les ériger. Mais les insomnies rendent les journées caoutchouteuses, les murs fins et mobiles. »

Les murs sont effectivement peu épais, tant et si bien que les bruits traversent les cloisons aussi facilement que Hope laisse entrer chez elle un homme avec qui elle entame une relation sadomasochiste.

« Je sentais le squelette de cette maison, je l’avais fortifié. Et moi aussi. Mais voilà que Hope faisait tinter les os dans la nuit, et je n’avais pas les idées claires (…) »

Un monstre dans l’immeuble, dans les couloirs… Celia voit ses murs vaciller autant que ses certitudes : ils n’étaient plus à l’abri. La disparition subite de son locataire M. Coughlan va jeter un nouveau trouble sur son existence. Le temps de fermer sa porte pour se prémunir des autres n’est décidément plus d’actualité, et Celia va devoir prendre des décisions et faire des choix en sortant de sa solitude.

« George avait ouvert une porte et laissé entrer quelqu’un et un phénomène physique chaotique avait pris le pouvoir, encouragé par le printemps, mélangeant les appétits humains avec les taillis, avec un vent changeant et une végétation si éclatante que l’on avait du mal à y croire. »

Ce roman explore la perte sous ces différentes facettes : perte d’un être aimé, suite à un deuil ou une séparation, perte de contrôle, perte des repères, perte de son innocence. Et ce dans un contexte sexuel pervers, sans oublier cette étrange fascination que Celia et Hope éprouvent l’une pour l’autre, deux femmes qui finalement se ressemblent beaucoup.

Si l’écriture soignée d’Amy Grace Loyd fait merveille, je n’ai pas été totalement convaincue par ce premier roman. Je l’ai trouvé certes intéressant et original, par la place qu’il donne aux sons, aux parfums, aux bruits, à l’environnement en général, par la tension qu’il dégage également entre le contrôle et le lâcher prise et la place que nous occupons dans la vie, faite de changements et d’imprévisibilités malgré notre envie d’ordre et de constance. Mais je l’ai trouvé peu touchant en fin de compte, tant je suis restée sur le seuil, comme extérieure aux événements et aux personnages. Ce roman donne en fait surtout l’impression d’avoir été très construit et peut-être trop maitrisé, étouffant les personnages en les rendant finalement peu vivants.

Le Bruit des autres, par Amy Grace Loyd. Trad. de l'anglais (Etats-Unis) par Jean Esch. Stock, 262p., 20€.


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