Nous sommes dans les premières années du XVIe siècle. Charles Quint, dernier empereur du Saint-Empire romain germanique, rêve d’unifier la Chrétienté, s’il n’était pas continuellement interrompu dans ses ambitions par des révoltes intérieures, comme en Allemagne et dans les Flandres, ou encore par les conflits religieux, provoqués par les luthériens. Charles Quint a donc besoin, pour affermir les bases de son pouvoir, de beaucoup d’or. Pour ce faire, il confie à Hernán Cortés la mission de conquérir le nouveau monde et de marcher sur Tenochtitlan, l’actuelle Mexico. En soumettant d’abord l’empereur Montezuma, en lui ramenant ensuite l’or des Aztèques.
Franz Grumbach, un allemand luthérien qui se retrouve étrangement au service de Charles Quint, a tout oublié de son passé. Il se débat dans les méandres de ses souvenirs et ce n’est pas son laquais, devenu muet, qui pourra lui raviver la mémoire. Au cours d’une longue nuit, il va écouter un cavalier espagnol qui raconte une étrange histoire aux soldats du camp : l’histoire de Rhingrave le rebelle, qui avait tenté de s'opposer aux visées expansionnistes de Charles Quint, en se mettant sur le chemin des conquistadors. Mais cet allemand luthérien, qui ne manquait certes pas de courage, ne disposait que de trois balles et d’une arquebuse pour arriver à ses fins : la première balle était destinée à Hernán Cortés, la deuxième balle était destinée au duc de Mendoza, quant à la troisième balle… Mais le destin (ou le diable) en décideront autrement. Et si cette histoire était celle de Franz Grumbach ? Saura-t-il enfin qui a été frappé par la troisième balle ? La malédiction de Garcia Novarro semble devoir s'accomplir jusqu'au bout.
Ce premier roman de Leo Perutz, publié en 1925, mêle habilement tragédie, aventure, passion, histoire, imaginaire, croyance et superstition. Cet écrivain tchèque juif de langue allemande n’a décidément pas son pareil pour forger le destin tragique de ses personnages, aveuglés par la rage, le fanatisme, la foi, les certitudes, la folie meurtrière, la richesse ou le pouvoir, comme soutenus par les forces du mal. Son univers, teinté d’ironie, de mélancolie, d’amertume et de pessimisme, souligne à la fois l’absurdité du monde et le côté dérisoire de la vie humaine. Sa mobilisation en tant que lieutenant pendant la guerre 14-18 et la blessure grave qui en résultera ne sont certainement pas étrangers à ce point de vue radical, qui est celui de l'impossibilité d'échapper à son destin.
La troisième balle de Leo Perutz est le quatrième roman que je lis de cet auteur. Et je n’ai jamais été déçue jusqu’à présent, que du contraire. A quand le prochain ?
La troisième balle de Leo Perutz, traduit de l’allemand par Jean-Claude Capèle, Éditions Le Livre de Poche, 315 pages, 6 décembre 1989
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