Première incursion en ce qui me concerne dans l’écriture de Hans-Ulrich Treichel, avec son dernier roman, qui parle avant tout du manque et de l’absence. Mais attention, ni dans la tristesse ni l’atermoiement. Car les tribulations de ce jeune antihéros prêtent souvent à rire, de par sa naïveté et sa docilité, qui sont confondantes. Mais une pointe de mélancolie finit tout de même par nous saisir, tant Paul, qui se met continuellement sur une liste d’attente, finit par nous émouvoir dans sa quête confuse d’un homme qui se cherche sans très bien savoir ce qu’il veut, se laissant volontiers porter par les événements au lieu de les provoquer.
Par ces petites anecdotes d’une vie banale sans beaucoup d’éclats mais parsemée de doutes et d’hésitations, Hans-Ulrich Treichel nous transmet un court récit au ton caustique mais jamais désabusé, tout en sachant mettre en relief les petits et grands trébuchements de la vie.
Adolph Menzel: La Chambre au Balcon (1845) |
« Paul avait toujours ressenti ce tableau comme une promesse, une promesse du Sud, comme si la porte de la terrasse s’ouvrait sur un jardin du sud de la France. Ou sur un jardin toscan. Ou andalou. Pour lui, cette chambre au balcon n’était donc pas une chambre au balcon, mais une pièce au rez-de-chaussée. Et la porte du balcon n’était pas une porte de balcon, mais une porte de terrasse. Il avait parlé de ce tableau une fois avec Birgit, que sa fantaisie méridionale avait amusée et qui lui avait appris que cette chambre au balcon était une pièce de l’appartement berlinois de Menzel. Elle avait lu un peu sur Menzel et se souvenait même précisément de son adresse : Schöneberger Straße, deuxième étage. Tout près du Anhalter Bahnhof. La rue existait toujours. L’appartement se trouvait dans un bâtiment récent qui avait été construit juste avant l’emménagement de Menzel. La porte d’une terrasse dans le sud de la France imaginée par Paul était donc la porte de balcon au deuxième étage d’un immeuble, alors récent, de Kreuzberg. C’était tout de même resté pour Paul un tableau du Sud. Une promesse de Sud dans la Schöneberger Straße. Il aurait bien aimé montrer le tableau à María, sa complice. Il aurait bien aimé sortir avec elle par la porte de cette chambre et entrer dans un jardin réchauffé par le soleil, empli du chant des grillons et du parfum des fleurs, et elle aurait eu le droit de lui raconter tout ce que son nouvel amant lui faisait. Mais il se contenta de faire avec sa mère le tour du petit jardin de sa maison. »
Le Lac de Grunewald de Hans-Ulrich Treichel chez Gallimard, Collection Du Monde Entier, juillet 2014, 204 pages
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