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Affichage des articles du août, 2014

Extrait : La vie tranquille de Marguerite Duras

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Je n’ai pas assez aimé Nicolas, jamais assez. J’aurais dû mieux le garder, le soigner. Il y a un siècle qu’il est retourné à la mort. Je voudrais bien embrasser la place vide de ses yeux. Les humer, ses yeux crevés, jusqu’à reconnaître l’odeur de mon frère. Ca me ferait du bien, me réchaufferait, me donnerait une jeunesse.  […] Nicolas encore. Toujours je repense à Nicolas.  [...] Ah ! le tenir serré une bonne fois. Je suis vieille. Du moment que je ne pourrais plus jamais l’embrasser, je suis vieille de toutes mes années futures. En bonus, un extrait du roman, lu par Sylvie Testud, dans Marguerite ou la vie tranquille - court métrage de Stéphanie Murat d'après Marguerite Duras : A propos du roman, lire sur ce blog : La Vie tranquille de Marguerite Duras

L'homme qui aimait les chiens de Leonardo Padura

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Extrait Et que Trotski aille se faire foutre avec son fanatisme obsessionnel et son complexe de personnage historique, s'il croyait que les tragédies personnelles n'existaient pas et qu'il n'y avait que des changements d'étapes sociales et supra-humaines. Et les personnes, alors ? Est-ce que l'un d'eux a un jour pensé aux personnes ? Est-ce qu'on m'a demandé à moi, à Ivan, si nous étions d'accord pour remettre à plus tard nos rêves, notre vie et tout le reste jusqu'à ce qu'ils partent en fumée (les rêves, la vie et même le Saint-Esprit) happés par la fatigue historique et l'utopie pervertie ?  Mon avis L'écrivain cubain Leonardo Padura, ayant vécu les désillusions du  communisme et du régime castriste, avait toute la légitimité nécessaire pour dénoncer l’odeur nauséabonde du fanatisme, les ravages du stalinisme, les malversations, manipulations, intoxications et autres mensonges d’une utopie pervertie. Lorsq...

Un portrait en passant, de Pierre-Auguste Renoir (peinture)

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Portrait de Mademoiselle Irène Cahen d'Anvers vers 1880, huile sur toile Zurich, Collection E. Bührle

Sarah Thornhill de Kate Grenville

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Kate Grenville aborde l’histoire des premiers colons arrivés en Australie et la violence à l’encontre des aborigènes par le biais de l’histoire intime d’une jeune femme amoureuse d’un métis, Jack Langland, qui éprouve les mêmes sentiments à son encontre. Sarah Thornhill est issue de la deuxième génération, celle que les parents - la plupart d’anciens bagnards devenus propriétaires terriens - aspirent à élever dans la société. Il va sans dire que Jack, le jeune métis dont Sarah Thornhill est amoureuse, ne correspond pas vraiment aux critères souhaités pour établir une jeune fille. Mais Sarah Thornhill, femme de caractère, compte bien s’établir avec l’homme qu’elle aime, quitte à s’éloigner de sa famille pour y parvenir. C’était sans compter un lourd secret familial qui entravera à jamais son amour pour Jack, et qu’elle ne parviendra à mettre à jour que de nombreuses années après un mariage de raison.  On s’attache rapidement à cette jeune fille illettrée au parler un ...

Javier Marín (sculpteur)

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Javier Marín est un sculpteur et un peintre mexicain.

D. de Robert Harris

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Le romancier britannique revient sur l’affaire Dreyfus en adoptant le point de vue du narrateur principal, à savoir l’officier de l’armée française Georges Picquart, un ancien instructeur d’Alfred Dreyfus qui assistera à la condamnation du capitaine pour espionnage à la solde des allemands. Suite à cette affaire, Georges Picquart sera promu colonel de l’armée française et prendra la tête de la section statistique du service des renseignements, celle-là même qui avait traqué Dreyfus en fournissant les preuves de sa culpabilité. Cet homme brillant, intelligent, carriériste mais non dénué d'humour, est aussi un homme droit, juste et impartial. Et lorsqu’il découvre les preuves que l’espion opère toujours et que Dreyfus a été injustement accusé à sa place, et ce à l’aide de la complicité des plus hautes autorités de l’armée française, il n’aura de cesse de vouloir rétablir le capitaine Dreyfus en prouvant son innocence. Tout le monde connait, du moins dans les grandes...

Une aussi longue absence de Henri Colpi

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Nous sommes en 1960, au lendemain de la fête du 14 juillet, à Puteaux, une banlieue proche de Paris. Thérèse (Alida Valli), une femme d’origine italienne, y tient un café modeste. Les vacances sont proches et le quartier se dépeuple peu à peu. Thérèse pense passer à son tour quelques jours de vacances auprès de son amant, un chauffeur routier. Mais des airs d’opéra italien qu’un clochard (Georges Wilson) chante en passant devant son bar depuis quelques jours l’intrigue. Et quand Thérèse voir enfin son visage, elle croit reconnaître son mari disparu en déportation depuis 16 longues années. L’homme est atteint d’amnésie et ne se souvient plus de son passé mais Thérèse, qui ne part plus en vacances et rompt immédiatement avec son amant, n’aura de cesse de tenter de raviver la mémoire de l’amnésique… Cette histoire est basée sur un fait divers authentique : Mme Léontine Bourgade d’Aubervilliers, une femme de 58 ans, est persuadée d’avoir retrouvé son époux, disparu au camp ...

Les âmes mortes de Nicolas Gogol (citation)

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Observant Kabotievitch du coin de l’œil, Tchitchikov eut, cette fois, la nette impression d’être aux côtés d’un ours de taille moyenne. Pour parfaire la ressemblance, l’habit de son hôte était de la plus pure couleur ours, les manches en étaient trop longues, les pantalons aussi, il marchait en se dandinant et ne cessait d’écraser les pieds de ses voisins. Il avait un teint chaud et cuivré, évoquant la couleur des pièces de cinq kopecks. Chacun aura constaté qu’il existe de par le monde maint visage de cette sorte, que la nature ne se fatigue guère à fignoler ; délaissant les instruments de précision, tels que limes et forets, elle se contente de tailler dans la masse à coup de hache : elle prend son élan, et hop : un nez ! Elle frappe une deuxième fois, hop : des yeux. Lors, sans polir le moins son ouvrage, elle le lâche de par le monde, en disant : « Il est vivant, c’est déjà ça ! » Kabotievitch donnait exactement l’image d’une solidité inouïe, à suffisance : il tenait sa tête...

Extrait : Les âmes mortes de Nicolas Gogol

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[…] madame Appatova avait reçu une excellente éducation. La bonne éducation se donne, comme chacun sait, dans des pensionnats où, comme on le sait aussi, trois matières sont le fondement des humaines vertus : le français, indispensable au bonheur familial, le piano-forte, qui procure tant d’heureux instants à l’époux, enfin les tâches proprement domestiques, ce qui revient à dire la confection de bourses et autres surprises tricotées. Les méthodes, il est vrai, peuvent faire l’objet de maint changement et perfectionnement, surtout par les temps qui courent. Tout dépend ici du bon sens et des capacités des maîtresses de pension. Il est ainsi des maisons où le piano-forte l’emporte, suivi du français, puis des tâches domestiques. D’autres font la part belle à ces dernières, c’est-à-dire aux surprises tricotées, puis vient le français et, seulement après, le piano-forte.  Les âmes mortes de Nicolas Gogol, Traduction d'Anne Coldefy-Faucard, Éditions Verdier Collection Verdier P...

Le bruit des autres de Amy Grace Loyd

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Celia, jeune veuve proche de la quarantaine, tient le monde à distance depuis la mort pénible de son époux. Introvertie et solitaire, elle décide pourtant d’acheter avec son héritage un petit immeuble à Brooklyn, tout en choisissant avec grands soins ses locataires, pour leur discrétion et l’harmonie de l’immeuble. Fermer les portes pour se préserver des autres, contrôler et se prémunir de toutes intrusions, voilà donc la nouvelle vie de Celia. Jusqu’au jour où un grain de sable vient rayer cette belle mécanique : son locataire du dessus, George, qui souhaite passer une année sabbatique en France, demande s’il peut sous-louer pendant son absence l'appartement à Hope, une amie récemment séparée de son époux, tombé amoureux d’une autre femme. « Je voulais de l’ordre, pour moi, pour l’immeuble. J’avais voulu certaines barrières, le droit de les ériger. Mais les insomnies rendent les journées caoutchouteuses, les murs fins et mobiles. » Les murs sont effectivement peu...

Un portrait en passant, de Francisco de Goya (peinture)

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Portrait de Madame Cean Bermudez, vers 1792-93, Huile sur toile, 121 * 84,5 cm Budapest, Musée des Beaux-Arts

Les Combattants de Thomas Cailley

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Synopsis Entre ses potes et l’entreprise familiale, l’été d'Arnaud s’annonce tranquille… Tranquille jusqu'à sa rencontre avec Madeleine, aussi belle que cassante, bloc de muscles tendus et de prophéties catastrophiques. Il ne s’attend à rien ; elle se prépare au pire. Il se laisse porter, se marre souvent. Elle se bat, court, nage, s’affûte. Jusqu'où la suivre alors qu'elle ne lui a rien demandé ? C’est une histoire d’amour. Ou une histoire de survie. Ou les deux. La rencontre, entre un jeune garçon tendre et indécis et une jeune fille frondeuse et déterminée, ne pouvait faire que des étincelles. Et le réalisateur Thomas Cailley ne s’en prive pas, passant d'un genre à l'autre avec fluidité et aisance, tout en donnant à son film une belle énergie. C'est vivant, rafraichissant et bien sympathique, tant certaines scènes ne manquent pas d’humour. Revirement au dernier quart du film, qui se veut plus naturaliste, tendu et catastrophique. Adèl...

Sils Maria de Olivier Assayas

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Synopsis A 18 ans, Maria Enders a connu le succès en incarnant Sigrid, jeune fille ambitieuse et au charme trouble qui fascine et conduit au suicide une femme mûre, Helena. Vingt ans plus tard, à l'apogée de sa gloire, elle reçoit à Zurich un prix prestigieux au nom de Wilhelm Melchior, l'auteur et metteur en scène de la pièce qui, quelques heures avant la cérémonie, meurt subitement. On propose à Maria Enders de reprendre cette pièce, mais cette fois de l'autre côté du miroir, dans le rôle d'Helena.  Je n’ai pas été totalement transportée par ce film, malgré les thématiques très intéressantes (le passage du temps, l'alternance des rapports de force, l’évolution de la profession, la réflexion sur l’art, la starification, l'utilisation de la presse à scandale et la place des gadgets multimédias dans nos vies) et le bon alliage des actrices, sans oublier l’intelligence dans la manière de les évoquer.  Beaucoup de bons points donc, mais les mises e...

Ernesto Neto (sculptures souples)

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Le messager de Joseph Losey

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Un homme de 70 ans (Michael Redgrave ) se remémore une expérience douloureuse qui aura une influence néfaste  sur le reste de sa vie,  alors qu'il était à peine âgé de 13 ans : issu d’un milieu pauvre, le jeune et sensible Leo Colston (Dominic Guard) est invité à passer une quinzaine de jours en vacances chez la famille aristocratique de son ami Marcus Maudsley, dans la riche demeure de Brandham Hall, située dans le Norfolk. Il tombe tout de suite sous le charme de la sœur aînée de Marcus, Marian Maudsley (Julie Christie), qui se montre bien sympathique à son égard mais pas sans arrière-pensée. Marian, bien que promise au riche Hugh Trimingham (Edward Fox), entretient une relation avec Ted Burgess (Alan Bates), un simple métayer. Elle séduit sans peine le jeune garçon et en fait rapidement son complice en lui demandant d’être son messager afin de transmettre ses lettres à son amant. Si l’enfant est ravi de faire plaisir à Marian dans un premier temps, il apprendra...

Extrait : Les empreintes du diable de John Burnside

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Pendant un instant, je fus perdu ; pendant un instant, je fis ce que j’avais toujours voulu faire : je ne pensai à rien. J’appelle cela de la panique, aujourd’hui, chez moi, dans la sécurité de mon fauteuil, mais la panique n’est qu’un mot, or il s’agissait de tout autre chose. C’était l’abandon total. C’était le doigt d’un dieu raclant l’intérieur de mon crâne. Les empreintes du diable de John Burnside, Traduction Catherine Richard, Éditions Métailié, 217 pages, 17 janvier 2008

Scintillation de John Burnside (citation)

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Les erreurs ne surviennent pas lors d’un instant isolé, décisif, elles se déploient lentement tout au long d’une vie. Elles poussent, invisibles, sous la surface, se développent des années durant dans le noir comme les filaments d’une patiente moisissure jusqu’au jour où quelque chose fait irruption en surface, une masse lisse, humide, féconde, emplie de spores noires qui se répandent au vent et voyagent sur des kilomètres, altérant tout ce qu’elles touchent. Scintillation de John Burnside , Traduction Catherine Richard, Editions Points, 307 pages, 30 août 2012

La troisième balle de Leo Perutz

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Nous sommes dans les premières années du XVIe siècle. Charles Quint, dernier empereur du Saint-Empire romain germanique, rêve d’unifier la Chrétienté, s’il n’était pas continuellement interrompu dans ses ambitions par des révoltes intérieures, comme en Allemagne et dans les Flandres, ou encore par les conflits religieux, provoqués par les luthériens. Charles Quint a donc besoin, pour affermir les bases de son pouvoir, de beaucoup d’or. Pour ce faire, il confie à Hernán Cortés la mission de conquérir le nouveau monde et de marcher sur Tenochtitlan, l’actuelle Mexico. En soumettant d’abord l’empereur Montezuma, en lui ramenant ensuite l’or des Aztèques. Franz Grumbach, un allemand luthérien qui se retrouve étrangement au service de Charles Quint, a tout oublié de son passé. Il se débat dans les méandres de ses souvenirs et ce n’est pas son laquais, devenu muet, qui pourra lui raviver la mémoire. Au cours d’une longue nuit, il va écouter un cavalier espagnol qui raconte ...

Extrait : La scène d'ouverture du roman La troisième balle de Leo Perutz

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Je grelotte, le feu est sur le point de s’éteindre. Le vent de l’automne s’engouffre dans mon manteau déchiré dont les pièces virevoltent comme autant de diables grimaçants. La pluie tombe et tambourine autour de moi, elle gronde et crépite, on dirait qu’une peau de tambour est tendue sur le monde. La troisième balle de Leo Perutz, traduit de l'allemand par Jean-Claude Capèle, prochainement dans la collection de poche Zulma (09/10/14 ), 384 pages, 9,95 €

Un portrait en passant, Pavonia de Frederick Leighton (peinture)

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Pavonia de Frederick Leighton Frederic Leighton, né le 3 décembre 1830 à Scarborough et mort le 25 janvier 1896 à Kensington, est un peintre et sculpteur britannique de l'époque victorienne.

Graveney Hall de Linda Newbery

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Quatrième de couverture De nos jours, dans le Kent, Greg, un adolescent féru de photographie, découvre fasciné les ruines d’une demeure jadis détruite par le feu, Graveney Hall. Épaulé par Faith, la fille d’un bénévole restaurant la propriété, il va tenter de percer le secret de Graveney Hall. Edward Pearson, le dernier héritier du nom, a-t-il provoqué l’incendie de la maison de maître durant la guerre de 14-18 ? On le savait devenu dépressif et violent à la mort de son amant rencontré sur le front… Cette découverte aura une répercussion inouïe sur Greg, lui qui s’interroge sur les liens qu’il entretient avec Jordan, son ami gay, et Faith,dont les convictions religieuses sont profondes. Alternant deux époques, la Première Guerre mondiale et le temps présent, ce roman aborde la question de l’identité sexuelle à travers les premiers émois, l’amitié, la culpabilité, les doutes et autres maladresses mais interroge aussi la foi et les convictions, n’évitant pas les remi...

Décès de l'acteur Robin Williams

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Dessin en hommage à l'acteur Robin Williams, publié dans le journal Le Soir de ce mercredi 13.08.2014. Le site web du dessinateur StripMax (alias Max Tilgenkamp).

Décès de l'écrivain belge Simon Leys

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Simon Leys, écrivain, essayiste, critique littéraire, traducteur et sinologue belge,  vient de nous quitter ce lundi 11 août 2014, à l'âge de 78 ans. Né en 1935 à Bruxelles, il a longtemps vécu en Chine avant de s'installer en 1970 en Australie, où il enseignait la langue et la littérature chinoises. Il était l'auteur de l'essai Les naufragés du Batavia et du recueil Le bonheur des petits poissons , pour ne citer que ceux que j'ai lus. Il a reçu de nombreux prix durant sa carrière: le Prix quinquennal de l'Essai (1981) pour Ombres Chinoises , le prix Renaudot Essai en 2001 pour Protée et autres essais , le Prix Guizot (2003) pour Les Naufragés du Batavia , le Prix mondial Cino Del Duca (2005) ou encore le Prix quinquennal de littérature (2005) ) pour l'ensemble de son œuvre. Il est élu en 1990 à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique où il était le successeur de Simenon.  Une société civilisée n'est pas né...

Récits de la Kolyma de Varlam Chalamov

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Les Récits de la Kolyma sont de courts fragments rassemblés sur plus de 1.500 pages que compte le recueil de l’auteur Varlam Chalamov. Cet écrivain russe (1907-1982) passa 22 ans de sa vie au goulag de la presqu’île de la Kolyma, région se situant aux confins extrêmes du Nord-Est de la Sibérie. L’isolement, l’éloignement, le climat et les conditions de vie très dures de cet enfer gelé ont fait de la Kolyma un endroit totalement à part du reste de la Sibérie, où les conditions de réclusion étaient particulièrement éprouvantes et pénibles. Cette région était donc légitimement devenue la plus redoutée entre toutes : « Kolyma znatchit smert » (Kolyma veut dire mort), telle était la sentence pour ceux qui s’y rendaient contraints et forcés. Outre les conditions climatiques extrêmes qui conduisaient aux gelures et amputations diverses et les rations alimentaires nettement insuffisantes, les prisonniers devaient lutter contre l’épuisement mental et physi...